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Il a fallu cet assujettissement, et ce nouveau
colonialisme, pour que l’occupant, tout absorbé par sa quête
de l’identité et de la coïncidence, trouve la réponse à ses
interrogations les plus intimes, les plus américaines, dans
un cinéma qui ne lui correspond pas. Chez Kurosawa, l’homme
est entier, ses interrogations intégrées au personnage, il
est sage, plus fataliste que philosophe, complet toujours,
il porte avec lui les traces non-seulement d’un homme et d’un
caractère, mais d’une nation, et plus encore, d’une tradition.
Il y a ces signes, ces indices d’une société forte où tout
est codé, échelonné –on revient continuellement aux usages
japonais, aux us qui codifient autant l’éventrement du soldat
que l’autorité féodale, aux « rites d’amour et de mort »
de Mishima- et où l’homme, le métaphysicien, fait néanmoins
sens, surcode, c’est lui qui impose la signification à l’environnement,
et plus le personnage est entravé par ses rites et ses routines,
plus celui-ci se trouve seul, face à lui-même comme devant
une conscience universelle, ainsi ce samouraï de La
Forteresse Cachée qui, contre toute attente, choisit
finalement son camp en homme libre.
Avec le début des années 80, c’est uniquement grâce à l’intervention
et à l’appui de cinéastes américains qu’Akira Kurosawa réussit
à financer ses films. On compte parmi ses nouveaux producteurs
quelques-uns des nombreux réalisateurs qui voient en lui un
maître authentique, et s’essaient ainsi à le remercier. Quelques
grands noms… Coppola, Scorsese, Spielberg, Lucas… A noter
la présence de Scorsese interprétant le personnage de Van
Gogh dans Rêves (1990), Scorsese qui sait que c’est
avec Kurosawa uniquement que le cinéma américain devient adulte
et s’émancipe. L’auteur signe là quelques-uns de ses films
les plus importants, comme si la difficulté de boucler les
budgets, et la peur, toujours présente, de ne pouvoir réaliser
un nouveau projet avec la pression des studios internationaux,
devait trouver sa réponse dans l’excellence des œuvres, des
images et des scripts. Kurosawa remet entièrement son œuvre
en cause avec les nouvelles capacités techniques, il poursuit
sa lecture de Shakespeare et reste aujourd’hui encore, avec
Welles, le cinéaste seul véritablement capable de rejouer
l’œuvre du poète en faisant plus que l’interpréter, en la
renouvelant, en la débordant avec cœur et révérence.
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Chez Leone, l’élève émérite, on retrouve
ces individus motivés par des buts élémentaires, simplement
méchants, cyniques, imposant leur volonté au reste du monde,
c’est l’individu qui prime quand bien même il ferait face
aux événements – la guerre de Sécession dans Le Bon, la
Brute et le Truand -, celui-ci échappe à l’histoire et,
naturellement égotiste, se préoccupe de ses intérêts seulement.
C’est là l’essentiel de l’héritage de Kurosawa, de révéler,
au-delà des caricatures et des simples personnages, cette
volonté de puissance, cette foi en l’humanité qui ne l’abandonnait
jamais entièrement, dans les obstacles et l’adversité, cette
humanité souvent veule, sale, qui pourtant ne cessait de se
remettre en cause et accédait là à la transcendance.
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1993 Madadayo avec Kyoko Kagawa,
Akira Terao
1991 Rhapsodie en
août / Hachigatsu no kyoshikyoku
1989 Rêves / Akira
Kurosawa's Dreams avec Akira Terao, Mieko
Harada
1985 Ran avec
Tatsuya Nakadai, Akira Terao
1980 Kagemusha,
l'ombre du guerrier / Kagemusha
1975 L'Aigle de
la Taiga / Dersou Ouzala avec Maxime Mounzouk
1970 Dode's Kaden
avec Junzaburo Ban, Yoshitaka Zushi
1965 Sugata Sanshiro,
la legende du grand judo de Akira Kurosawa
1965 Barberousse
/ Akahige avec Toshirô Mifune, Yuzo Kayama
1962 Sanjuro / Tsubaki
Sanjuro avec Toshirô Mifune, Yuzo Kayama
1961 Yojimbo
avec Toshirô Mifune, Kamatari Fujiwara
1961 Le Garde du
corps
1958 La Forteresse
cachée / Kakushi toride no san akunin
1957 Les bas-fonds
/ Donzoko avec Toshirô Mifune, Ganjiro Nakamura
1957 Le Château
de l'araignée / Kumonosu jo avec Toshirô Mifune
1954 Les Sept Samourais
/ Shichinin no samurai avec Toshirô Mifune
1952 Vivre / Ikiru
avec Takashi Shimura, Makoto Kobori
1951 L'Idiot avec
Setsuko Hara, Masayuki Mori
1950 Scandale avec
Toshirô Mifune, Takashi Shimura
1950 Rashomon avec
Toshirô Mifune, Masayuki Mori
1949 Le Duel silencieux
/ Shizukanaru Ketto avec Toshirô Mifune
1949 Chien enrage
/ Norainu avec Toshirô Mifune, Takashi Shimura
1948 L'ange ivre
/ Yoidore Tenshi avec Toshirô Mifune, Takashi
Shimura
1943 La Légende
du grand judo / Sugata sanshiro avec Susumu
Fujita
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