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Major Dundee (c) D.R.

Pour Peckinpah, avoir l’opportunité de choisir de mourir au combat, en brisant les chaînes de l’oppression, qu’elles prennent la forme d’une dépendance sociale et financière ou bien d’un système despotique, est véritablement l’affranchissement ultime. Selon Sartre, la liberté est considérée comme un pouvoir perpétuel de dire « oui » ou « non ». Cette liberté de choix, les héros de La Horde l’expérimentent dans l’angoisse : conscience et liberté sont une seule et même sensation. Un véritable sentiment métaphysique qui révèle leur totale liberté, saisie réflexive où la conscience est prise de vertige devant elle-même. Cet engagement pour sauver ses amis, son honneur, ne peut être que total, à savoir se livrer sans compter, tout abandonner. Ses personnages ne sont pas tant importants pour ce qu’ils sont, mais par ce qu’ils finissent par devenir, ainsi les deux associés de Coup de Feu dans la Sierra affrontent le combat côte à côte, ils vont à la mort avec noblesse et latitude. Peckinpah n’a filmé que des dérives éperdues, où ses personnages confrontés à un dilemme s’engagent toujours totalement, et de manière irréversible (3). Ces décisions irrévocables traduisent aussi une fureur autodestructrice qui répond à la prise de conscience ; ainsi Tyreen, l’un des protagonistes de Major Dundee (1965), se lance à corps perdu dans l’ultime bataille, tandis que Bennie, qui a brutalement pris conscience de son égarement, est motivé par un désir de vengeance contre l’organisation du crime : en tuant el Jefe il provoque sa propre mort. Les entités embarquées dans une odyssée macabre choisissent d’aller jusqu’au bout. Étreindre sa propre mort c’est la phase ultime de la liberté.

Les quatorze films de Peckinpah sont pour la plupart des paraboles sur l’humanité mais ont aussi une portée  religieuse (4). Ainsi la légende veut que Bloody Sam, à une période de sa vie, ne se séparait plus ni de ses bouteilles d’alcool ni de sa Bible. En fait, ce qu’il cherche à exprimer se résume bien dans une scène du Gaucher de Penn : Billy The Kid est analphabète, il cherche à percer le sens d’une phrase de la Bible : « through a glass darkly », (au travers d’un verre dépoli/opaque ). D’une part la vérité vraie, la vérité révélée de la Bible, l’Homme qui vient au monde et qui doit vivre, et d’autre part une vérité plus complexe,  dissimulée et plus sombre. La religion est souvent associée à la mort, elle habite viscéralement ses héros et se manifeste dans The Ballad of Cable Hogue (1969)  comme un ultime rappel du créateur à son fils : dans un dernier plan la poussière est soulevée par le vent sur la tombe de Cable Hogue qui, issu du désert, est renvoyé à l’état de scorie. Comme en écho à cette dernière scène, Steiner dans Cross of Iron s’exclame : « Dieu est un sadique, je suppose qu’il l’ignore ». Le mimétisme christique se poursuit dans Bring me the Head la décapitation d’Alfredo renvoie à celle de Saint Jean-Baptiste, tandis que les événements liés à la mort de Bennie font référence au sacrifice du Christ par une population idolâtre de l’argent et assujettie au pouvoir tyrannique.