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                  On ne le dira jamais assez 
                    : ce cinéaste est un génie. Après avoir ri des curetons (Drôle 
                    de paroissien) ; révolutionné le film choral (Y a-t-il 
                    un français dans la salle ?) ; stigmatisé les bourgeois 
                    dans des comédies drôles et grivoises (Les saisons du plaisir) 
                    ; bousculé les codes du polar (Agent Trouble), Jean-Pierre 
                    Mocky, dont l’extraordinaire filmographie ne se limite évidemment 
                    pas à ces films, retournait alors à ses furetages dans le 
                    cinéma fantastique. Avec Noir comme le Souvenir, il 
                    livrait une fiction à la fois angoissante et curieuse qui 
                    montrait le parcours tumultueux d’une femme à la recherche 
                    d’une enfant disparue. Cinq ans avant La Secte sans nom 
                    de Jaume Balaguero, Mocky racontait précisément la même 
                    chose sur un mode plus intelligent et subtil. Notons pour 
                    les cinéphiles les plus sourcilleux que Garance, le prénom 
                    de la petite fille blonde dans le film (équivalent de la gamine 
                    dans Poltergeist), est une référence immédiate aux 
                    Enfants du paradis de Marcel Carné qui est le film 
                    préféré de notre provocateur national. Par ailleurs, dans 
                    Noir comme le souvenir, beaucoup de personnages regardent 
                    la télé. Et que regardent-ils ? Litan, l’autre film 
                    fantastique de monsieur Mocky ! Troublante coïncidence, non 
                    ?  
                   
                  Autre cinéaste à oeuvrer 
                    dans la bizarrerie hexagonale : Walerian Borowczyk. En 1975, 
                    il signe La Bête, une adaptation fantastique et déjantée 
                    de La Belle et la Bête. L’histoire est loin d’être 
                    simple : pour sauver sa fortune, un marquis décide de marier 
                    son fils un peu niais à la fille d’un ricain cossu. Dès sa 
                    première nuit, la belle fantasme : elle croit voir une aïeule 
                    de son fiancé, poursuivie par une bête monstrueuse munie d’un 
                    sexe gigantesque. D’abord effrayée, la dame finit par prendre 
                    du plaisir jusqu’au jour où la bête meurt… Le réalisateur 
                    des cultes Contes Immoraux, film à sketches délirant 
                    autour du sexe et de la notion de plaisir (réciproque), ose 
                    filmer crûment des scènes de sexe interminables (fellation, 
                    pénétration, éjaculation et consorts) mais bascule aussitôt 
                    dans l’abject et le cradingue. On n’oubliera toutefois pas 
                    de souligner l’audace absolue du projet et les séquences presque 
                    gênantes où la madame se balade nue dans les bois, suivie 
                    par un monstre sensiblement très excité. Effrayant, oui.  
                     
                     
                    LE LOCATAIRE : POINT D’ORGUE  
                     
                   
                  
                     
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                  On reste dans les années 
                    70 et l’on succombe - une fois n’est pas coutume - aux délices 
                    du dithyrambe devant ce qui semble être « le film le plus 
                    effrayant au monde » : Le Locataire de Roman Polanski 
                    (1976) ; un authentique cauchemar dans lequel un homme 
                    réservé travaillant dans un service d’archives s’installe 
                    dans un appartement où le voisinage semble particulièrement 
                    étrange. A l’époque, on avait reproché au réalisateur du Pianiste 
                    d’avoir fait avec son Locataire une espèce de transposition 
                    maladroite de son précédent et excellent Répulsion (avec 
                    Catherine Deneuve). Faux : il a fait mille fois mieux ici 
                    en titillant la fibre parano enfouie en chacun de nous et 
                    en suscitant chez le spectateur plein de frayeurs traumatisantes. 
                    Tourné en peu de temps, Le Locataire est un modèle 
                    de sobriété et d’efficacité. Il fait peur avec trois fois 
                    rien, comme ces voisins laconiques qui regardent avec insistance 
                    notre héros. Le dernier plan, d’une redoutable efficacité, 
                    est malin parce qu’il conduit à penser que la folie du personnage 
                    s’est peut-être imprégnée en nous. Que venons-nous de voir 
                    ? Et si, nous aussi, nous étions devenus cet homme ? Par extension, 
                    il provoque la claustrophobie en nous faisant comprendre que 
                    cette folle histoire tend à être renouvelée, telle une boucle 
                    jamais finie et que les prochaines victimes sont parmi nous. 
                     
                     
                   
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