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  Mes chers voisins (c) D.R.

Depuis, cette étude brillante des rapports entre voisins a généré pléthore de fictions givrées. Dernière en date : celle du délicieux Alex de la Iglesia qui a mâtiné la même intrigue avec une bonne dose d’humour macabre, un magot caché et des situations cocasses. Son tout donne Mes chers Voisins, une oeuvre acrobatique et irrésistible qui lance en permanence des clins d’œil au Locataire de Polanski. Il faudra attendre le début des années 80, et Mister Frost de Philippe Setbon, pour que le genre reprenne du souffle. Le film commence par un plan montrant deux cambrioleurs qui découvrent un cadavre dans un manoir désert. Peu de temps après, un inspecteur y trouve un charnier d'une vingtaine de cadavres et arrête Frost (Faust, qui a donné son âme au diable ?), le propriétaire des lieux. Deux ans plus tard, le criminel, interné, se confie à Sarah Day, une psychiatre… «Le diable est-il parmi nous ?» se demandait le curé de Braindead (de Peter Jackson) avant de donner des coups de tatane à tous nos amis les d’jeunes qui se promènent dans les cimetières en pleine nuit. C’est à cette question que répond cette modeste série B qui doit beaucoup à l’abattage du toujours impeccablement ambigu Jeff Goldblum, aux confrontations intenses entre la psy et le criminel, et à un final inspiré dans le sillage de celui de The Ugly.

Tout aussi amusant, Le Démon dans l’île (de Francis Leroi) autopsie à sa façon les étranges phénomènes qui se produisent sur une île : un maire qui se tranche le visage, un docteur étrange dont les diagnostiques sont douteux, un homme qui se coupe deux doigts avec un couteau électrique, une fillette qui se fait attaquer par un vilain nounours en peluche… Mais qui est derrière tout cela ? Leroi, le responsable d’Emmanuelle 4, qui tentait modestement une incursion dans le fantastique. Il signe pourtant un des rares essais qui exploite les clichés du genre pour les transformer en un vague fourre-tout aussi sympathique que dérisoire. La scène du bras carbonisé dans le four, proche de celle de Destination Finale 2, et la révélation du mystère à la Phenomena de Dario Argento sont des arguments assez concluants, mais qu’il est impératif de prendre au second degré.

Le Démon dans l'ile (c) D.R.

Sur un mode nettement plus sombre et sobre, Baxter de Jérôme Boivin (1989) est un film fantastique qui sort des sentiers battus. Le fantastique intervient ici dans le fait que le monde est perçu par un chien qui nourrit des idées contre-nature. Il ne cherche pas à provoquer le rire mais le malaise en montrant le quotidien peu folichon d’un animal qui ne trouve pas de considération tout comme il refuse les compromis. Dans le film, Baxter est un bull-terrier qui, quand il n’est pas content, sort les crocs. Il a encore en lui de tristes séquelles d’humains qui n’ont pas été sympas avec lui. Au début, il est offert à une grand-mère qui va se barricader chez elle et basculer dans la folie furieuse. Il est pris ensuite en charge par « le couple d’en face » qui passe son temps à baiser et qui, un jour, triste nouvelle pour Baxter, a un enfant (et s’il le liquidait ?). Puis, vient le tour d’un jeune gamin, fasciné par Hitler et la Seconde Guerre mondiale qui tombe amoureux d’une Stéphanie de banlieue qu’il considère comme son Eva Braun…

Trois histoires en une, regroupées dans ce morose Let me be your dog qui aborde de multiples sujets à la fois ; ce qui rend par conséquent la thématique du film vaste et riche. Baxter doit également beaucoup à sa galerie de personnages savoureux qui sont tous des monstres ordinaires, tout droit échappés d’un film de Todd Solondz. Parmi les trois segments, on est en droit d’avoir des préférences. La troisième histoire, la plus longue et la plus substantielle, enregistrant les relations tordues entre Baxter et un jeune garçon, est complexe. Le cinéaste va même jusqu’à donner des penchants malsains au gamin et le fait passer pour un Hitler jeune : son sadisme lorsqu’il demande au clebs de tuer un autre garçon ; son amour pour une Stéphanie de banlieue qui ressemble vaguement à Eva Braun, et surtout quand il se met à écrire un journal rappelant évidemment le Mein Kampf... L’atmosphère est délétère, oppressante, presque effrayante, parce qu’ancrée dans une réalité insupportable faite d’hypocrisie et de mensonges, de tension et de refoulement.