Basile semble y avoir toujours
vécu. Il partage son temps entre son vieil amant ermite et
le bar de Village-qui-vit, dans lequel se produit un groupe
de rock entraîné par un fermier, où une petite communauté
se retrouve sans cesse pour jouer au billard, boire et trouver
des solutions à leurs problèmes (pourquoi le frigo saute-t-il
quand on branche le sèche-cheveux ?). N’ayant pas le
droit de dormir au risque de mourir, Basile vit de jour comme
de nuit, toujours attifé de son pantalon couleur brique et
de son T-shirt jaune. Il est une figure qui s’assimile à son
environnement tout en s’en détachant, s’intégrant à la communauté
aussi facilement qu’il la quittera.
Guiraudie crée un monde
de couleurs qui s’allient et se détachent les unes des autres.
Basile devient une figure phosphorescente dans la nuit claire
qui sépare les deux villages, mettant un peu de vie dans la
nature déserte du sud, dont les seuls sons viennent des crissements
des cigales. Fuyant la poursuite de Johnny Got, Basile apparaît
comme une figure singulière dans le paysage triste des routes
nationales et des banlieues sombres.
Pour joindre les deux villages,
comme deux visages de la même région, Basile marche, ou mieux,
court. Il est un lien : entre les lieux, entre les êtres.
Il rassemble Johnny Got et Igor dans leur recherche effrénée,
il est celui qui donne la parole : le fermier-rockeur
se confie à lui, il est la seule compagnie du vieil ermite,
il sort Igor de sa solitude.
Basile ne reste pas en place.
Dans un constant besoin de bouger, il court (pour aller où ?
Il se le demande comme les personnages de Du soleil pour
les gueux), se crée des contrées jamais explorées, fait
des milliers de kilomètres en l’espace de quelques secondes,
franchit des frontières en passant par une porte, et se crée
autant d’identités.
Profondément attachés à
la terre, Guiraudie et son film se plaisent à nous perdre
dans une région ouvertement aimée, où le fantasme rejoint
la réalité (Village-qui-meurt et Village-qui vit sont autant
de visages de cette même région, entre sclérose et soleil).
Le temps comme les frontières n’a plus court. Combien de temps
Basile a-t-il passé dans Village-qui-meurt ? Y est-il
depuis longtemps ? Vient-il d’y arriver ? Combien
de kilomètres séparent Oncongue de Buénauzères ?
Comme tout dans Pas de
repos pour les braves, le petit bar où Basile passe ses
journées et ses nuits est double, car il est aussi, le temps
d’une séquence, un lieu de débauche sexuel aux lumières rouges,
un lieu où l’on cache les criminels derrière un miroir sans
tain. Et Basile redevient l’assassin en cavale, poursuivi
par le terrible Johnny Got. Il tente de s’enfuir dans un avion
qui ne vole pas, passe par Oncongue et Riaux de Janerrot pour
arriver à Buenauzères.
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