Mais le meilleur moyen de
ne pas être suivi, c’est d’être soi-même le suiveur. Les rôles
là encore s’inversent, et l’on retrouve les mêmes lieux, où
l’un et l’autre posent les mêmes questions, comme s’ils se
cherchaient eux-mêmes. Le fantastique prend le pas. Les mêmes
corps prennent des identités différentes : le gentil
bistrotier, également pervers sexuel à ses heures, devient
un dangereux dealer de petites boules rouges. Le costume fait
le moine : à visage identique deux identités. Et l’on
tombe dans le film noir, celui où (en général), on n’hésite
pas à sortir son flingue et à tirer. Mais comme chaque genre,
personnage, lieu ou temps dans Pas de repos pour les braves,
le film noir est bancal. Les gangsters se laissent berner
sans broncher, ou presque, le détective se lie d’amitié avec
le tueur.
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Combien de temps a pu s’écouler
entre le carnage du village natal de Basile et le retour des
trois compères dans ce même lieu repeuplé ? En s’égarant
entre Village-qui-vît et Village-qui-meurt, en passant par
Ongcongue et Bouenauzères, Guiraudie fait vivre à son spectateur
un tour du monde immobile, où la terre ressemble au sud-ouest,
où vie et mort sont toujours plus d’actualité, mais où cette
dernière n’est jamais effective. Basile ne mourra pas après
ce qui devait être son dernier sommeil, son vieil amant attend
la mort dans les ruines de Village-qui-meurt sans que celle-ci
ne se décide à venir, Johnny Got échappe à la colère les trafiquants,
et le village décimé au début du film réapparaît plus vivant
que jamais. Ce temps suspendu où chacun renaît de ses cendres,
ce pourrait être le temps du rêve. Pourtant, une chose à bien
changé entre le début et la fin de l’aventure : Basile,
Johnny Got et Igor ne sont plus des figures solitaires, le
village paraît plus gai, plus coloré, bien que l’ennui semble
toujours être présent. Guiraudie n’est pas un cinéaste du
rêve, il est peut-être celui du fantasme, de l’idéalisme.
Son imagination est proche de celle de l’enfance qui se crée
des mondes réels sans être réalistes, mais une enfance parfois
torturée par les affres d’une société qu’il se plaît à critiquer
sur le mode de l’ironie. Dans tous les cas, il est un cinéaste
de l’absurde qui aime à transgresser toutes les lois, même
cinématographiques.
Guiraudie traverse les genres
et le monde et chaque fois les pervertit. Le film noir est
peuplé de gangsters de pacotille qui trafiquent de mystérieuses
petites boules rouges, la comédie musicale a pour bande-son
les morceaux d’un groupe de rock paysan, le film romantique
met en scène un couple homosexuel où l’un tente d’échapper
à la mort alors que l’autre l’attend sans qu’elle ne vienne,
le western a pour héros un cow-boy qui voyage en voiture.
Finalement, Basile et ses amis sont peut-être les acteurs
et créateurs d’un cinéma rêvé.
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2003 Pas
de repos pour les braves avec Thomas Suire,
Laurent Soffiati
2000
Ce vieux rêve qui bouge avec Pierre-Louis
Calixte
2000
Du Soleil pour les gueux avec Isabelle
Girardet, Jean-Paul Jourdaa
1998 La Force des
choses
1994 Tout droit jusqu'au
matin avec Jean-Jacques Benhamou
1993 Jours perdus
avec Aurore Fagmen, Celine Laprevost
1990 Les Héros sont
immortels
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