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L’attitude « tarantinesque » face au cinéma, gourmande
et sans préjugés, montrait soudain que la beauté gisait peut-être
au fond d’un boîtier de VHS poussiéreux trouvé dans une brocante,
et pas nécessairement dans les lieux du « beau »
cinéma. Par son existence même, par son succès, par la beauté
de ses films surtout, Tarantino vengeait dans ses discours
bégayants et érudits une génération de rats de vidéo-clubs,
et deux générations de spectateurs de cinéma de quartier -
quoiqu’en pensent les tenants du bon goût, Tarantino ouvrit
au monde du cinéma une génération de jeunes gens.
Quant à Pulp Fiction, ce film ludique et retenu, à
la complexité tonale appréciée autant des cons que des amateurs
du même âge, il faudra le revoir, le goûter à nouveau dans
quelques années, pour voir s’il a forci et mûri, s’il révèle
de nouvelles saveurs inédites. Une, majeure, dont le film
n’est qu’un long déploiement cyclothymique, est la nostalgie,
cette passion monocorde et déchirante, qui ne peut s’exprimer
que dans des bouffées de rage froide et absurde, la morgue
d’être à contre-courant, et des choix absolus au nom de vieux
principes. Et l’horizon rêvé d’un monde idéal et mystérieux,
ailleurs, Babylone peut-être, comme pour le détective de Richard
Brautigan. Rock n’Roll Forever.
From Dusk till Dawn
: le monde du cinéma, première tentative.
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Pendant ce temps, alors que les poses tarantinesques (comme
« grotesque », nous sommes ici dans le registre
du décoratif), œuvrent comme signe d’allégeance de par le
monde, les flingues sont brandis avec nonchalance par de jeunes
comédiens français, allemands, anglais, japonais, et que la
pensée magique pour tout jeune réalisateur est « je veux
faire un film de genre », Tarantino réalise un épisode
de la série télévisée Urgences, et fait l’idiot comme
comédien dans de mauvais films. Cela aurait dû mettre la puce
à l’oreille à ceux qui attendaient avec impatience son projet
suivant (qu’il écrivit et interpréta), Une nuit en enfer,
mais l’amour est aveugle. Avec son argument délirant (des
tueurs impitoyables coincés une nuit durant dans un night-club
peuplé de vampires, n'est-ce pas) Une nuit en enfer
(dont le titre original, From Dusk till Dawn, fait
écho au Dead by Dawn - alias Evil Dead,) s'annonçait
comme un projet des plus séduisants, ambitionnant de prendre
par les cornes, en toute connaissance du genre, le film de
vampire là où Aux frontières de l'aube (Near Dark, Kathryn
Bigelow) l'avait laissé à la fin des années 80, quelque part
entre le western urbain et le road-movie. Au-delà de son postulat,
Une nuit en enfer s’offrait le luxe de tenter l'opération
alchimique de transmutation du cinéma d'action par excellence,
celui de Hong Kong. Notre ami reprit donc la structure du
Dragon Inn de King Hu, quelques années après le remake
orchestré par Tsui Hark (New Dragon Gate Inn, 1991),
évacua d'emblée toute idée un peu trop compliquée, marivaudage
meurtrier ou réflexion sur l'exercice du pouvoir, et formata
son script comme une trame lâche propre à la mise en place
de situations spectaculaires et pétaradantes.
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