Le film est un échec. Tarantino
comédien, aussi peu charismatique que cabotin, en s'offrant
« pour de vrai » la réplique à des vieux routiers
du cinéma « d'exploitation » comme Fred Williamson
ou le maquilleur Tom Savini, délèguera à l'effroyable tâcheron
Robert Rodriguez la réalisation du projet. Résultat : tout cela
est découpé avec une absence totale de bon sens, simulant la
confusion avec les pires « trucs » de cadreur amateur.
C'est ce découpage grossier censé exprimer la brutalité et le
chaos qui grève terriblement l’essai et le transforme en interminable
film amateur. Il n'empêche que, même en l'état, Une nuit
en enfer anticipe le projet Kill Bill, et s'offre
en prolégomènes d'une immersion dans le « monde du cinéma »,
totalement déconnecté de la réalité quotidienne. Et puis tout
n'est pas perdu pour tout le monde, puisque c’est le premier
vrai film de l’Erol Flynn des années 2000 (chaque époque a la
culture qu’elle mérite…) Georges Clooney, et c'est une ribambelle
de suites qui occupent désormais les rayonnages des soldeurs
de DVD, la licence appartenant à la société d'effet spéciaux
KNB. Donc il n'est pas à l'ordre du jour que l'histoire de la
mort de Richard Gecko ou même le nom du Titty Twister refassent
surface, au gré d'une conversation, dans le monde de Quentin...
Dommage, ça aurait été une chouette histoire.
L’écueil majeur qui guette le monsieur apparaît ainsi dans toute
sa triste splendeur : la pose, cet ennemi juré attaché
au basque des artistes adulés, qui coule dans le béton ses ambitions
syncrétiques et offre sur un plateau à ces détracteurs le faux
pas impardonnable.
Jackie Brown
: "No way, all those assholes want to be Mr. Black."
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On se rappellera peut-être à la lecture de cette réplique,
issue de Reservoir Dogs, d'une polémique effrayante
de pudibonderie et de mépris lancé par le cinéaste Spike Lee,
à propos de la fréquence d'emploi du mot « nigger »
dans, notamment, Pulp Fiction, et qui lui fit dire
avec tout le fiel dont est capable l'incarnation de l’innocence
outragée qu’est le responsable de Bamboozled que Tarantino
espérait sans doute une médaille du « black de l'année ».
Et Quentin Tarantino réalisa son 3e long métrage, Jackie
Brown. Sans nul doute son plus beau film, ou la cristallisation
alchimique d’un genre dans un personnage s’opère dans une
maîtrise d’écriture portée par une admiration généreuse pour
l’objet de son amour. Jackie Brown, c’est un peu Le
Mépris en deçà de la querelle des anciens et des modernes,
ou l’emphase symbolique serait remplacée par une application
attentive à la vraisemblance des personnages, et L’Iliade
par Quarante Tueurs. Nous ne sommes donc pas dans le
naturalisme benêt, ni la modélisation, seulement dans une
autre manière d’aborder des mythes, une musique qui ne s’entendait
plus depuis bien longtemps au royaume de Cinéma : ici,
le mythe d’Icare, par exemple, mélangé à une intrigue de série
télévisée américaine.
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