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Kill Bill vol. 1 : Shawscope recadré

Quentin Tarantino (c) D.R.

Afin d’éviter d’y revenir par la suite, voici une liste non exhaustive des films pillés par Kill Bill, histoire de passer aux choses sérieuses plus vite :

Les griffes de jade, La Rage du tigre, La fureur de vaincre, Le sens du devoir, Lady Snowblood, Saviour of the Soul, Freeze Me, The Heroic Trio, Street Fighter, Le vagabond de Tokyo, Jay et Bob contre-attaquent, La marque du tueur, Le syndicat du crime, Drôles de dames, L’auberge du dragon, Duel au poing, Godzilla, Baby Cart, Les disciples de Shaolin, Wang Yu le roi du karaté, Guet-Apens, Ninja Scroll, Crime à froid, Vengeance !, Big Boss, La vie d’un tatoué, Naked Killers, Chapeau melon et bottes de cuir, Prodigal Son. Liste ouverte, paresseuse, et immensément perfectible, puisque virtuellement chaque plan de Kill Bill  convoque un autre film.

Kill Bill est un patchwork : un assemblage hétéroclite, toutefois dans une gamme de tons proches, de pièces rapportées, juxtaposé tel quel, avec les retouches minimales requises pour la finition de l’ensemble. Le patchwork, genre originellement « naïf », né dans les plaines du Grand Ouest américain entre les mains des pionnières, est un renouvellement dans la reprise, moderne dans son principe formel de montage chromatique a priori abstrait.

  Reservoir Dogs (c) D.R.

Film contradictoire, Kill Bill invoque, c’est sa qualité, une générosité narrative depuis longtemps oubliée, à l’heure de la modélisation et de l’efficacité sidérante. C’est une qualité respectable, pour peu qu’elle ne cède pas aux sirènes de la distanciation, cette méthode devenue désormais la putain des marchands. Proche de la bande dessinée dans son principe séquentiel marqué, opérant par ruptures tonales et formelles, Kill Bill met à nu le principe de collage qui guide le travail de son cinéaste, avec une application un brin besogneuse. Nul place ici n’est laissé au spectateur, à qui est demandé une attention contemplative totale, et il faut le dire, agaçante de suffisance : quel plaisir prendre à ce remontage de morceaux choisis, certes amusant mais abyssalement creux ? Nul plaisir ici pris à l’exercice morbide de la citation, dans ce film écartelé entre l’hommage transi, la reconstitution précieuse, et la volonté forcée de spectacle unique, jamais vu car jamais re-vu. Les maîtres sont morts, ou vendus, comme Yuen Woo-Ping empochant des millions réchauffer des chorégraphies inventées dans la joie aventureuse des années 80, à Hong Kong. 

Kill Bil manifeste à nouveau un travers dangereux de son cinéaste, celui de vouloir à toute force « faire œuvre ». La logique qui, de films sur le spectateur, sur la manière dont une culture peut modeler des individus dans leurs réactions leurs plus intimes (Reservoir Dogs, Jackie Brown), aboutit à un « sur-film », film sur les films aimés, est sans faille. Quentin aime les films de Jean-Luc Godard, et son maître Monte Hellman, qui lui mit le pied à l’étrier du temps de Reservoir Dogs, lui a transmis cette imagerie du cinéaste-artiste, de l’auteur, contrôlant totalement son « œuvre ». Mais l’obscénité débordante, vitale, du cinéma d’Exploitation n’est pas soluble dans la posture romantique du démiurge. Chang Cheh disait : « je suis un marchand de violence », ok ?