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Le ton discrètement funèbre qui faisait la beauté vénéneuse
de Jackie Brown ou Pulp Fiction colore aussi
Kill Bill, mais se voit accompagner d’une nouvelle
coloration que l’on aurait aimé ne jamais découvrir, un principe
de distanciation pince-sans-rire qui, avec une pudibonderie
répugnante, déréalise les situations lorsqu’elles dépassent
un certain seuil d’absurdité jugé par je ne sais quel « executive »
trop incroyable. Dès lors les images déjà vues détournent
l’attention, comme une poignée de sable dans les yeux, et
ne trouvent dans le récit aucune justification au-delà du
jeu pubère et masochiste de dessiner une moustache à ses idoles.
Bonjour tristesse.
Citizen Tarantino
Quentin Tarantino a grandi à South Bay, un ghetto noir
californien. Comme Elvis, il a grandi entouré de portoricains,
de blacks, petit clown blanc qui décida de faire du cinéma
pour vivre à son tour une excitation innocente face à ses
films puissants qui le laissaient pantois, mais dans lequel
il sentait confusément que quelque chose, une douleur inscrite
au plus profond de la chair invoquée par ses œuvres rudes,
lui échappaient. Les disciples de Shaolin de Chang
Cheh par exemple, récit limpide de l’exploitation marchande,
corruptrice et haïssable. Il y apprit sans doute la jouissance
de voir un auditoire pendu à ses lèvres, et la gifle cuisante
de la répartie.
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Peut-être que, comme Robert de Niro, Quentin aime les femmes
noires, grandes, et d’une beauté bouleversante. Il eut peut-être
sa première érection d’importance en voyant Foxy Brown,
avec Pam Grier. Il a aimé une Française, un jour, le personnage
de Fabienne dans Pulp Fiction lui rend hommage.
Quentin a fait quelques films, dont un très beau, intitulé
Pulp Fiction en hommage à une littérature dite en France
« de gare », pétaradante et vulgaire, parfois émouvante,
écrite par des écrivains intelligents compromis dans la culture
populaire, peut-être avec aigreur (Quentin aime ce qui est
épicé, mal vu des bien-pensants). Quentin est un conservateur,
et un nostalgique, pour qui la joie ne peut se penser qu’à
l’imparfait. C’est pour cela qu’il raconte si bien les histoires.
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