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Une autre figure que celle des bouquets
de fleurs traverse le film, celle d’un bronze représentant
un cheval hennissant. Encore une fois, nous relevons un
détail jugé “ révélateur ” de l’œuvre, dans une sorte lecture
symptômale de celle-ci. Néanmoins, nous ne sommes pas dans
une interprétation exégétique pour deux raisons. La première
est que notre interprétation ne se réfère à aucun texte
externe à l’œuvre. La seconde est que le détail relevé,
par sa récurrence sur l’ensemble de l’œuvre, semble cesser
d’en être un. En quelques sorte, on peut dire que ses apparitions
successives font système. Essayons d’en déterminer quelques
occurrences. Lorsque la préceptrice vient s’entretenir pour
la première fois avec le jeune Henry, un bronze de cheval
hennissant occupe une étagère, derrière la porte d’entrée
du boudoir. Situé dans les parties supérieures des cadrages,
lors des champs sur la préceptrice des champs contre-champs
de son dialogue avec le jeune homme, il peut renvoyer à
une idée de séduction et d’assaut. Cette idée d’assaut est
littéralement signifiée lorsque ce bronze, sur la cheminée
du boudoir, dans le fond de champ, est la dernière chose
qui sépare dans le cadre Henry de Martha, avant que celui-ci
ne la prenne dans ses bras pour l’embrasser passionnément.
On observe d’ailleurs que le sens de la charge du cheval
est de la droite vers la gauche du cadre, c’est à dire contraire
au mouvement d’Henry vers Martha. Ainsi, à la fin du film,
lorsque Martha, au soir de sa vie, avoue à Henry que ce
ne fut pas lui qui l’assaillit, mais bien elle, le cheval,
en fond de plan, a l’élégance de lui donner raison. Martha
fuit les bras d’Henry, mais le cousin Albert la force à
revenir dans le boudoir, car elle éternue encore. Advient
alors le deuxième assaut, lorsque les protagonistes, devant
la cheminée, encadrent le bronze. Cette seconde charge du
cheval est dirigée d’Henry vers Martha. La jeune femme s’écarte
d’Henry, mais une statuette de nymphe, située dans le fond
de champ derrière Henry, en position à la fois de repli
(son bras recouvrant ses épaules) et offerte, trahit l’attitude
de la jeune fille. De plus, le mouvement de recadrage sur
l’avancée d’un Henry conquérant vers Martha lie la statuette
au cheval hennissant pour l’annonce de la troisième charge
du jeune homme qui amène le cheval derrière Martha, la pressant
ainsi. Dans le fond de plan, derrière le canapé, le petit
cheval au galop sur la hanse du vase en argent préfigure
la soudaine demande en mariage d’Henry. On note d’ailleurs
que ce cheval, dans une position d’ascension verticale,
qui semble “ grimper ” le long de la hanse du vase, renvoie
au brusque mouvement vertical de levée du canapé des personnages,
sur cette annonce. Enfin, la dernière apparition du cheval
hennissant de la cheminée ne sépare plus le couple Henry/Martha,
puisque le bronze, décalé dans la partie gauche du fond
de champ, indique ainsi, dans la scénographie, la porte
de sortie du boudoir, et la fuite du jeune couple. Tel un
cheval au galop.