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Plus tard, lorsque Henry, âgé de trente
six ans, rejoint ses parents pour le petit déjeuner, le cheval
hennissant, qui se tenait hardiment sur le rebord de la cheminée
du boudoir quelques années plus tôt, s’est transformé en un
petit bibelot sur le dessus de la cheminée du salon. Les deux
bustes qui l’entourent peuvent illustrer le fait que l’amour
du couple Henry/Martha s’est rétréci, et que deux entités
séparées entourent maintenant cet objet. Comme une confirmation
de cette interprétation, lorsque Henry apprend, par un télégramme,
sa séparation, on note que le contre-champ sur l’oncle ne
cadre plus, en fond de plan, qu’un seul buste. L’autre buste
serait “ parti ”. Enfin, lorsque Henry, au soir de sa vie,
saisit au hasard sur une étagère le livre “ How to Make your
Husband Happy ”, le souvenir de sa femme, qui l’envahit, se
retrouve dans les fonds de champ du travelling qui accompagne
sa marche jusqu’au canapé. On y aperçoit notamment un bouquet
de roses rouges qui ravivent une passion, et un cheval qui
galope sur la cheminée, comme “ court ” le souvenir de Martha.
Mais aussi, comme il se trouvait l’exact même cheval galopant
sur l’aquarelle de la devanture de la librairie où, quelques
années plus tôt, Henry saisissait pour la première fois ce
livre. C’était lors de sa première rencontre avec Martha.
Alors qu’Henry n’est encore qu’un jeune adolescent, les membres
de sa famille, qui constituent les personnages du film, avant
d’être présents “ en chair et en os ” dans la diégèse, sont
présentés sur des photos disposées sur un meuble du salon,
tels des bibelots ou des statuettes. Encore une fois, les
objets nous dévoilent un avenir qui va bientôt nous être confirmé.
A ce propos, le buste de l’ancêtre, dont on ne sait s’il représente
un homme ou une femme, caché dans le cadre par le corps du
jeune homme lorsqu’il proteste contre l’emprise des générations
passées (père, mère, grand-père et grand-mère) sur sa vie
d’adolescent, confirme la notion de lignée familiale, exposée
dans le dialogue, dont il est le nouveau descendant. Ce buste
devient un ange assis en position d’attente dans la même posture
qu’Henry devant lui lorsque celui-ci, un jeune homme de vingt
six ans, attend Martha dans le boudoir pour l’embrasser.
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Plus tard, lorsque l’oncle Van Cleeve
passe, dans le hall d’entrée, devant la statue d’un couple
se tenant par la main, on peut supposer qu’Henry et son
épouse Martha forment un couple heureux et uni. Mais, on
note déjà, à l’étage, que le bouquet de fleurs précédemment
placé dans le renfoncement du mur situé à l’angle de la
mezzanine a été remplacé par la statue d’une femme pensive
. Lorsque Henry et son fils descendent l’escalier, ils effectuent
un trajet allant de cette statue, en fond de champ, à la
statue du couple. Le fils amène donc son père, Henry, de
la femme seule au couple, préservant ainsi l’entité couple,
au détriment de celle de la femme pensive. Mais, c’est un
leurre. La réalité est que Martha vient de quitter son mari.
Le spectateur, dont le savoir est en retard sur celui d’Henry,
qui apprend la nouvelle dans le télégramme qu’il reçoit,
peut le pressentir dans la remontée des escaliers d’Henry.
Cette trajectoire mène celui-ci de la statue du couple à
la femme pensive et à la chambre vide de Martha.
Mais, chez les Strable, le bronze noir représentant une
femme faisant “ Au revoir ” d’un geste de la main présage
de la nouvelle réussite d’Henry, lorsqu’il vient tenter
de convaincre Martha, de retour chez ses parents, de repartir
avec lui. La statue fait “ Au revoir ”, comme Martha pourrait
le faire lorsque Henry l’enlève une deuxième fois sous les
yeux de ses parents.