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Ces incohérences se poursuivent lorsque
apparaît pour la première fois Charlot dans le film, lors
de la fête foraine. Nous avons un premier plan d’ensemble
frontal de la maison des automates puis, plusieurs plans qui
raccordent dans l’axe. Le spectateur peut ainsi suivre aisément
l’action du pickpocket qui, discrètement, se débarrasse de
son butin dans la poche de Charlot.
Cette série de plans décrit parfaitement le même espace. Par
contre, le plan latéral gauche, qui nous est donné lorsque
le bourgeois en colère pousse le pickpocket, ne communique
pas topographiquement.
Les deux espaces n’ont même rien à voir. Seuls le raccord
mouvement de sortie et d’entrée dans le champ des personnages
et la présence de la boule blanche du lampadaire (unique élément
dans le cadre, qui rapproche ces deux espaces si différents)
forcent ces deux plans à communiquer. Cette incohérence se
renouvelle avec le plan latéral droit. Lorsque Charlot et
le pickpocket sortent à droite du cadre, ils rentrent aussi
à droite, dans le plan suivant, cassant la continuité logique
du mouvement.
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En résumé, le plan de gauche ne communique
pas. Le plan de droite non plus. Par contre, le raccord
dans l’axe fonctionne normalement. Et, de manière plus générale,
les raccords dans l’axe sont parfaits. Par exemple, les
plans pris depuis les coulisses du cirque sur le directeur
qui regarde tourner Merna sur la piste, les plans de la
main du pickpocket dans la poche du pantalon de Charlot,
ou ceux de Charlot mangeant des yeux le beignet du bébé
dans la fête foraine, etc… En fait, en ce début de film,
les raccords qui sont respectés sont des raccords « frontaux
», c’est à dire dans un univers qui nous est déjà donné.
Le spectateur ne ressent pas de problèmes de spatialisation
quand il reste dans le même espace, dans le même cercle.
Par contre, les raccords « latéraux » de plans côte à côte,
ou en vis à vis, ne fonctionnent pas (par exemple, le directeur
qui fait une remontrance à Merna, ou le directeur qui regarde
les clowns, au début du film, ou encore Charlot et le pickpocket
devant le théâtre d’automates). Tout se passe comme si on
était dans une situation donnée, dans un cercle précis,
mais dont on ne pourrait pas sortir sans « forcer le passage
», car le lien entre les plans -entre les différents cercles-
a été supprimé.