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Casanova : un adolescent à Venise (c) D.R.

A contrario, si Casanova honore régulièrement les femmes, tout en les ayant comprises pour mieux les posséder, il ne les aime pas réellement et ne s’attachera qu’en partie à leur charme en cherchant les faveurs de toutes. Egoïste et misanthrope, c’est l’amour de lui qu’il projette dans les méandres féminins comme une résonance jouissive de son ego malade :  « J’ai pris le parti le plus beau, le plus noble, le seul naturel. Celui de me mettre en état de ne plus manquer de mon nécessaire et de ce nécessaire personne ne pouvait être le juge plus que moi. » (2)

Voué au temple de la femme, il s’agit surtout du culte de sa personne magnifiée par l’esthétique de l’exubérance et de l’excès. Véritable Narcisse (3) en puissance, il se construit ou plus exactement se dissout dans l’hédonisme, dans l’illusion, et dans une forme de donjuanisme édulcoré.


L’hédonisme pour la femme

  Fellini (c) D.R.

Casanova pensait qu’il était philosophe car sa doctrine morale faisait  du plaisir un principe de vie. Cherchant le maximum de satisfactions par le minimum d’efforts, le Vénitien se reposait sur ses acquis physiques et culturels pour séduire toutes les femmes. Son secret repose sur la sincérité du désir et sur l’exaltation d’une nature passionnée constituée de pulsions instantanées et irrépressibles. Son tempérament sanguin le rendit très sensible :  « aux attraits de toute volupté, toujours joyeux, et empresser de passer d’une jouissance à l’autre, et ingénieux à en inventer. » (4) Bien que la réalisation de Comencini évoque une enfance repliée et timide, victime de l’absence d’une éducation maternelle, le Vénitien commence sa vie d’adulte à la fin du film en abandonnant la prêtrise et en couchant avec deux femmes en même temps. (5) Il cherchait déjà à se consoler dans leurs bras de son incapacité à aimer et à construire une vie avec la comtesse Angela.

Le protagoniste restait hédoniste pour la femme mais il ne l’était certainement pas pour une femme. Casanova nous dévoile implicitement ce plaisir indéfiniment reconduit : « La pensée de me fixer quelque part m’a toujours paru complètement contre nature. » (6) L’aventurier recherche la pluralité de la femme dans ses joyeuses culbutes et rendre une seule femme heureuse relève de l’impossible. Cette philosophie de la jouissance n’est donc pas concevable sans égoïsme. Atteint de nombrilisme, l’épicurien devient insensible à la socialisation : « celui qui veut vivre avec passion pour lui-même doit logiquement être indifférent au destin de tous les hommes. »  (7) Le film de Fellini poétise les tumultes amoureux du fervent chevalier de Seingalt, mais le sexe et tous ses cortèges de désirs  relèvent plus de l’acrobatie que de la sensualité. Le gymnaste schizophrène pratique le coït mécanique si l’on songe à l’oiseau automate qui se dresse en battant des ailes.