Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
La Cité des femmes (c) D.R.

Contrairement à Comencini, qui a plutôt un regard complaisant  sur  le mâle  vénitien, Fellini fait «  le portrait funèbre d’un jouisseur immature qui associe sexe et mécanique […], préfiguration du Katzone de La città delle donne avec son phallus à pile frénétique et son juke-box à orgasmes. » (8) Donald Sutherland incarne parfaitement le bambocheur inassouvi et les femmes le comparent à un dindon. L’acteur  « soumet son corps et sa gestuelle à une vectorisation forcenée qui rend lisible son parcours. » (9) Celle-ci est en réalité une rotation en spirale qui caractérise le mime du mâle qui encercle la femelle. Il tourne également sur lui-même pour se mettre en valeur. La basse-cour féminine et fellinienne exalte les gloussements orgasmiques qui renvoient aux spectateurs l’image de ce « volatil » inconstant.

Cette philosophie du plaisir est parodiée chez Fellini grâce à l’univers du  carnaval avec une fanfare signée Nino Rota. Dès le début du film, une statue de Vénus aux yeux exorbités s’enfonce dans la citée lacustre, c’est la ville des plaisirs qui fera sombrer Casanova et l’eau devient une métaphore de la mère perdue. (10) Le générique du film débute sur la surface plane de l’eau de Venise, apaisante et amniotique. Casanova y a déjà perdu son reflet. Cette liquidité omniprésente est le miroir féminin : la femme restera pour ce fin limier une illusion. Il s’agit d’une vaine tentative de retrouver la chaleur maternelle et le seul atout qu’il possède repose sur le factice.


Le maître de l’illusion narcissique

  The Baby of Macon (c) D.R.

Dans ces deux réalisations italiennes, Venise est la citée baroque par excellence, ville des jouissances et de l’exhibition qui contraste avec l’austérité architecturale des autres cours d’Europe. (11) Casanova est le fruit de cette matrice du plaisir, seule l’apparence compte : beaux costumes et décors clinquants, l’art du masque bien posé et bien pensé. L’esthétique de la toilette préfigure l’état d’esprit qui repose sur le maniérisme et le discours se fonde sur la figure de rhétorique bien placée.

Casanova incarne la décadence de l’age baroque déjà démystifiée par Carlo Goldoni et revisitée par Greenaway dans The Baby of macon. (12) Si Comencini nous dévoile une citée lacustre au naturel, présentée parfois comme un clicher avec ses gondoles sous le pont des Soupirs, le réalisateur évite la grandiloquence même avec ses personnages filmiques : « je me suis efforcé de toujours éviter le pathos. […] Je dirais volontiers que j’ai introduit la rationalité des sentiments. » (13) A l’inverse, Fellini les rend irrationnels, et de surcroît, il théâtralise Venise de manière surréaliste. Le décor, faussement minimaliste avec la mer en plastique et ces places aux gros pavés carrés anéantis par le brouillard, est une préfiguration des « Aventures du Baron de Münchausen » où tout laisse la place à l’ego. Casanova, toujours filmé en plan moyen au milieu de la scène, paraît encore plus extravagant à l’image des « Précieuses ridicules ».