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La Cité des femmes (c) D.R.

Ses longs monologues en voix off remplacent le récit littéraire et autobiographique, le réalisateur fait d’ailleurs appel aux Confessions de Saint-Augustin que Casanova avaient lues. L’aventurier réaffirme ainsi ses connaissances en théologie. La deixis du « je » cinématographique confère un jeu narcissique dont les éructations verbales traduisent la vantardise, la fanfaronnade du « paraître » et la mise en valeur du « moi » auto-suffisant. Son évasion des Plombs est racontée comme une épopée avec un souffle épique au cours duquel Casanova n’omettra pas ses talents  : « Mon évasion des Plombs fut un chef-d’œuvre d’intelligence, de précision mathématique, d’intuition, de courage. Toutes qualités dont m’avait doté le sort. » La présence du « moi », combinée avec le « je », demeure omniprésente.

Hormis ses performances sexuelles supposées, Casanova évoque constamment ce qu’il est ou plus exactement ce qu’il veut bien faire croire : « J’ai étudié les Sciences, les Lettres, je suis versé dans l’art de la politique et de l’économie. Outre des travaux d’Alchimie qui m’ont quasi conduit à faire croître le volume du mercure, je suis cabaliste émérite. J’ai inventé une méthode infaillible pour doubler les bénéfices d’un état en une année ! » Le ton emphatique de Donald Sutherland est convaincant, l’illusion reste parfaite, et le « moi » demeure flatté :  « Une confiance narcissique en lui-même, accrue par le plaisir de la voir reflétée sur d’autres visages, l’exalte et le transporte. » (14) Le pied en avant, la main repliée sur le côté, le jabot gonflé comme un coq, la posture soutient et sous-tend le discours et réaffirme indéfiniment cette puissance narcissique et cette libido intarissable.

  Jean-Jacques Rousseau (c) D.R.

Casanova scrute le miroir du passé pour lui-même. Il veut retrouver le reflet d’une jeunesse perdue. Son récit autobiographique n’a pas d’autres buts que de reconstruire son image avec une insouciance à l’égard d’autrui sans pareil. Il s’agit d’une autobiographie narcissique unique et exemplaire qui, dans l’histoire de la littérature, est aussi pathologique que Les Confessions de Rousseau, mais elle reste moins philosophique que celle de Montaigne dans ses Essais.  

En réalité, Casanova sous l’observation fellinienne « cultive l’art de paraître et perfectionne sa fonction sexuelle jusqu’à se vider de toute personnalité propre…Casanova est une forme vide. » (15)  Il s’agit du mythe de la dissipation que l’on retrouve chez Valmont et a fortiori chez Dom Juan. 



L’inconsistance donjuanesque


Casanova était donc plus à l’aise dans le péché de la chair que dans le prêche sur la chaire. Comencini met en exergue les sermons du « surmâle » tandis que Fellini exhibe la phallocratie du Vénitien. Du haut de sa chaire, le jeune Casanova, efféminé et bel éphèbe, a toutes les caractéristiques d’un Rastignac ou d’un Lucien de Rubenpré pour séduire à l’église les belles Vénitiennes, mais ses pratiques sexuelles restent allusives et  prudes.