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On retrouve cette thématique dans
L’Age d’or dans lequel un couple commence ses ébats
dans un terrain boueux. Un plan général et distancier ne
permet pas de savoir s’il y a consentement ou pas entre
les partenaires. L’ambiguïté règne dans un milieu quasi-organique,
improbable, irréel, faisant un doux écho avant l’heure à
Salo, les 120 jours de Sodome de Pasolini sans oublier
Sade. Le fétichisme n’est pas omis, l’obsession du pied
est récurrente dans la production de Buñuel en passant par
le pied de la statue dans L’Age d’or aux bottines
de Jeanne Moreau dans Journal d’une femme de chambre,
sans omettre les gros plans tenaces sur les chaussures de
Catherine Deneuve dans Belle de Jour. Curieusement,
si le pied reste fantasmé, la main semble faire l’objet
de violence et de déformation. Ce membre est associé à une
forme de putréfaction dans Un Chien andalou avec
les fourmis qui en sortent. De même, la main coupée, filmée
en plongée verticale dans la rue, n’est pas celle de La
famille Adams. Le membre sans doigts de l’homme
qui caresse le visage de sa partenaire, dans L’Age d’or,
renvoie à certaines formes de mutilations sadomasochistes
dignes des pochettes de disques de Marylin Manson.
Les surréalistes pratiquaient la déformation comme les peintres
de la renaissance avaient pu le faire avec les anamorphoses.
Hans Holbein le jeune, avec le portrait des Ambassadeurs
en 1533, se servait de la distorsion pour dire que nous
ne faisons qu’apercevoir l’apparence des choses. La tête
de mort ovalisée et déformée, située au-dessous des trois
personnages, suggèrent la fragilité de l’existence. Le surréalisme
avait déjà fait ses premiers pas. Les tableaux de Dali exhibent
souvent des pendules lascives, ramollies et étirées qui
épousent le relief : on pensera à La persistance
de la mémoire en 1931 ou bien à La dissolution de
la persistance de la mémoire en 1954. C’est une
véritable forme d’anéantissement par l’application particulière
des lois de la géométrie. Les surréalistes nous obligent
à percevoir le monde sous l’angle d’un visuel atypique.
Robert Desnos dira à propos d’Un chien andalou :
« Je ne connais aucun film qui agisse directement sur
le spectateur, qui soit fait pour lui, qui entre en conversation,
en rapports intimes avec lui. » (5) Ce visuel
permet une communication privilégiée avec le réel en le
sublimant afin de soulever des interrogations chez celui
qui souhaiterait comprendre.
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Le Septième Art semble être le transfert
idéal des futures réponses qui n’auront peut être jamais
lieu, mais peu importe ! Les surréalistes ne cherchent
pas à travers le lecteur ou le spectateur des significations,
là où il n’y en a pas. Jean Cocteau suggère l’idée suivante:
« j’estime que le cinématographe est une arme puissante
pour projeter la pensée, même dans une foule qui s’y refuse. »
(6) Il ne s’agit pas d’une pensée rationnelle mais d’un
compromis entre le réel et l’irréel.