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Vivre ! (c) D.R.

Le cinéaste parvient ainsi à engager la réflexion sur l'Histoire de son pays et les répercussions que les faits historiques ont pu avoir sur la cellule familiale. Par exemple, Fengzia, la fille muette de Fugui, mourra en mettant son enfant au monde parce qu'elle n'a pu bénéficier de l'assistance d'un médecin expérimenté car ils ont tous été envoyés dans des camps de prisonniers lors de la Révolution culturelle. Même si cette fresque historique se veut avant tout critique, la responsabilité des drames ne vise en aucun cas les hommes mais bien le régime communiste dont le fanatisme des hommes dans leur dévotion à Mao illustre parfaitement.

La culture ainsi que les disciplines artistiques apparaissent également comme les victimes de l'Histoire. Zhang ne se contente pas d'exposer la Culture, il la magnifie par une mise en scène flamboyante, la portant au rang de symbole déchu du passé. C'est de la Culture, avec majuscule qu'il s'agit : la musique, les marionnettes et surtout le théâtre d'ombres qui sera, pour Fugui, un moyen d'échapper à la tyrannie du régime. Art traditionnel et séculaire, le théâtre constituera, pour lui, un adjuvant. En effet, c'est grâce à cette forme artistique que Fugui parviendra à retrouver une identité, une nouvelle raison d'exister, une forme de rédemption après avoir tout perdu au jeu et avoir été abandonné par sa femme. Ce n'est certes pas un hasard si Zhang Yimou a remis à l'honneur cette forme théâtrale très ancienne qui avait été mise pendant longtemps « au placard » au moment de la Révolution culturelle. Il pousse plus loin le constat en faisant coexister dans un même plan la culture et la réalité historique ; lors d'une scène montrant Fugui manipuler des marionnettes derrière un drap, le cinéaste introduit un plan où une baïonnette transperce le voile blanc du théâtre d'ombres, l'écran devenant le symbole de la réalité historique combinée au fait culturel.

  Ju Dou (c) D.R.

Là où dans ses premiers films, Zhang Yimou faisait porter davantage sa mise en scène sur une esthétique proche de la calligraphie ou de la peinture (notamment par la beauté des couleurs de Ju Dou), le réalisateur se tourne, avec Vivre ! vers un cinéma plus réaliste. Sans atteindre le formalisme semi-documentaire de Qui Ju, une femme chinoise. Vivre ! apparaît comme une synthèse esthétique et narrative de ses films précédents. Le cinéaste chinois varie les effets esthétiques et stylistiques en fonction des changements de lieux et d'époque. Lors de la scène de la rupture entre les deux époux, Zhang oppose les plans qui s'appesantissent sur la détresse de Fugui, dans l'ombre rougeâtre d'une ruelle, et les images de Jiazhen, froide et légère, qui s'enfuit en calèche sous une arche grise, dans un ciel bleuté. Il reviendra à des préoccupations essentiellement esthétiques dans son dernier film, Hero.