Un poing levé (le seul plan qui indique
que la totalisation n’est pas achevée – elle peut être pour
le pire alors interminable…–, que la dialectique est encore
possible, la lutte encore à venir), et c’est l’inimaginable
qui change de camp en faisant vaciller sur ses bases le pouvoir
même. Comme en 2001 Claude Lanzmann l’a montré avec Sobibor,
14 octobre 1943, 16 heures qui semble comme partir de
toutes les promesses de fin de la domination contenues dans
le poing levé pasolinien et réalisées dans la hache du jeune
Juif interné dans le camp de la mort Yehuda Lerner s’abattant
sur la mâchoire de l’officiel nazi. Le spectateur est du côté
de la maîtrise, à l’instar du cinéaste, à l’instar in fine
des bourreaux : c’est la seule position juste, et elle
est horrible, inimaginable (on résiste à imaginer ce que la
maîtrise peut faire et jusqu’où elle peut aller). Un plan
vu deux fois, avec des jumelles la première fois, avec ces
mêmes jumelles mais retournées la seconde fois, indique une
autre position : celle de victimes, dont nous pouvons
être à l’avenir. Mais alors dans ce cas, on ne pourra pas
dire que l’on n’avait pas été prévenu. En revenant sur les
écrans, on comprend peut-être avec plus d’acuité en quoi Salò
est une œuvre qui prévient, mieux, qui ne cesse pas de
revenir pour prévenir (de l’inguérissable capitalisme malade
de son fascisme).
Si Salò n’achève pas l’œuvre pasolinienne (« Pourquoi
achever une œuvre quand on peut la rêver ? »
disait Pasolini lui-même dans le rôle du peintre Giotto dans
Il Decameron), c’est peut-être parce que seule la mort
du cinéaste pouvait le faire quand, auparavant, le refus de
la totalisation a toujours été très nettement affirmée (notamment
par rapport à Hegel dont Pasolini disait regretter le moment
de la synthèse puisque lui n’a jamais cessé de jouer à thèse/antithèse,
thèse/antithèse…). « Le monde ne veut pas de moi et
il ne le sait pas » (19). A film théorématique, mort
axiomatique.
Titre Original
: Salo O le Centiventi Giornate Di Sodoma Réalisateur :
Pier Paolo Pasolini Acteurs
: Paolo Bonacelli, Umberto P. Quinavalle, Caterina
Boratto, Hélène Surgère, Sonia Saviange, Ines
Pellegrini Zone
: 2 (Europe, Moyen-Orient & Japon) Langues et formats sonores
: Français (Dolby Digital 2.0 Mono), Italien (Dolby
Digital 2.0 Mono) Sous-titres
: Français Éditeur
: Carlotta Films Présentation
: Snap Case
Bonus
: La bande-annonce, Pasolini au travail (images
d'archives de 13 mn), L'entretien avec Jean-Claude
Biette (collaborateur de Pasolini), La galerie
de photos exclusive