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Ce film est une œuvre pessimiste,
austère, et pourtant il existe une sorte d'idéalisme et de
reconstruction possible du monde, un éloge de « l'homme faible
» qui recherche un mode de vie philosophique et parfait. Tarkovski
dira : « je suis attiré par l'homme qui réalise que le
sens de la vie réside avant tout dans la lutte contre le mal
qu'il porte en lui-même, et qui lui permettra au cours de
sa vie de franchir au moins quelques degrés vers la perfection
spirituelle. » (2) Le film Stalker relève plus
de la sensation que de la signification, le réalisateur mène
une lutte contre cet homme qui prétend maîtriser le monde
rationnellement. Stalker caractérise une irrationalité
rédemptrice qui détruit l'empire de la raison mais qui sauve
l'âme. Ce n'est pas Dieu qui le fait, mais une sorte de mysticisme
orthodoxe qui coupe l'homme du monde réel pour le renvoyer
à ses origines pures, à l'image d'une génération spontanée,
édénique non contaminée par les affres du péché. Le film du
cinéaste russe est une philosophie anthropologique et métaphysique :
« Si philosopher est découvrir le sens premier de
l’être, on ne philosophe donc pas en quittant la situation
humaine : il faut au contraire, s’y enfoncer. Le savoir
absolu du philosophe est la perception. » (3)
Cette perception et reconstruction philosophique du monde
se font en trois étapes. Il y a chez Tarkovski un certain
idéalisme qui reproduit de manière mimétique le réel pour
mieux le déjouer. Ce réel suggère la démolition du monde.
Ensuite, Stalker reconstruit l’univers qui sera cette
fois-ci chargé d'un sens loin de tout cartésianisme : il s'agit
de l'irréel. Enfin, cette absence du sens est peut-être une
déréalisation du monde qui permettrait à l'homme de toucher
au spirituel.
REPRODUCTION MIMETIQUE DU
REEL : VERS L’IDEALISME
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Si Tarkovski recourt à la science-fiction,
il ne faudrait pas la définir au sens classique du terme.
Il s'agit d'une science-fiction (4) qui renvoie au mystère
ontologique, elle donne la possibilité de recomposer le
monde aux antipodes d'une logique naturaliste. Néanmoins,
le personnage « Stalker » est ancré dans une réalité,
c’est un personnage énigmatique versant facilement dans
l'hystérie et dont le pragmatisme, à l'image d'un mal incurable,
s'oppose à toute forme de spiritualité. Outre le fait qu’il
cherche à apporter du bonheur envers son prochain en se
faisant payer malgré tout car le voyage dans la zone n’est
pas gratuit, le « Stalker » oriente aussi sa quête
vers un idéal de vie matérialiste.
Dès les premières images du film, un travelling latéral
droite gauche et gauche droite dévoile la famille du « Stalker »
endormie. Le bruit d’un train fait penser métaphoriquement
au voyage, à l’évasion, au désir de quitter ce pays sous
l’emprise de la dictature. Des rêves d’occident se mêlent
discrètement au thème de l’évasion car on entend la Marseillaise.
La lenteur du travelling correspond à la frustration et
à l’impossibilité d’échapper au réel. Pour le « Stalker »
la zone reste un lieu de ressources spirituelles qui est
en contradiction avec un certain rêve pragmatique, matérialiste
et occidental. Tout le réel du film repose sur le constat
d’une disparition de l’amitié intime entre l’homme et la
nature. L’être humain est en rupture avec le monde. Dans
la zone, arracher une fleur demeure un geste banni, entrer
dans un endroit sans réfléchir est un manque de respect,
la zone a ses lois.