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Stalker (c) D.R.

Le « Stalker » ne cessera, durant le pèlerinage, de mettre en garde l’écrivain et le scientifique, des dangers d’une violation de l’intégrité de la chaire du monde. Fable écologiste, ce  récit dénonce les méfaits de la barbarie humaine. Il ne faut pas que la nature perde sa beauté : « la nature n’est pas un objet de volonté. La nature est une fin en soi. » (5) Stalker est  une vision idéaliste du monde qui présente une nature réelle avec ses fleurs, ses arbres, régie par des règles dans lesquelles l’homme ne peut intervenir. La nature chez Tarkovsi représente une œuvre d’art et sa force caractérise  « la manifestation d’un phénomène indéfinissable qui ne peut se plier ni à la volonté des hommes ni à celles des systèmes. » (6)

Cette œuvre d'art se transforme en poésie de l'apocalypse. Le film est parfois ponctué d'une voix off qui récite des poèmes écrits par Arseni Tarkovski, le père du cinéaste : « Il y eut alors un violent tremblement de terre. Le soleil devint sombre tel un cilice et la lune devint rouge comme le sang. Les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme un figuier secoué par un vent violent dont les figues encore vertes, tombent à terre. » Le décor de la zone n'est qu'un amas d'objets de l'ancien monde : armes à feu noyées dans l'eau, vieilles usines métallurgiques, carcasses de voitures, entrepôts désaffectés. Il existe une force réaliste du rendu immédiat des objets, mais au-delà de cette matérialité magique se manifeste « une sauvagerie de la captation visuelle […] dans les images les plus apprêtées. » (7)

  Andrei Tarkovski (c) D.R.

Par exemple, l’image du tunnel qui conduit à la chambre  fait penser au couloir de la mort, il est sombre et humide ; en arrière plan une vive lumière éclaire le tunnel en contre jour, lui donnant ainsi une valeur dramatique. Cet espace rappelle étrangement le tunnel meurtrier de Dead zone. Les protagonistes doivent achever leur parcours initiatique avec le rite du passage. Le tunnel est une anti-chambre réelle qui conduit à l’idéal : la chambre des miracles. Ce parcours reste initialisé par une caméra subjective qui mène naturellement les protagonistes à leur but. De surcroît, le spectateur, grâce à ce procédé cinématographique, demeure intégré au cœur de la diégèse comme s’il était lui-même l’un des personnages: il passe lui aussi du réel à l’idéalisme. La caméra poétique de Tarkovski est prête à reconquérir le monde.


RECONSTRUIRE LE MONDE CHARGE D’UN SENS QU’IL N’A PAS : L’IRREEL

Stalker est une figure de l'irrationalité, il s'agit de l'affect contre la règle, la sensation contre la signification, le mystère contre le sens : « l’irréel ne peut exprimer ce qui est, parce que son surmonde n’est pas un surmonde de l’Être ; mais ce surmonde variable peut transfigurer puissamment ce qui advient. »  (8) C’est pourquoi Tarkovski cherche à soulever le voile des apparences pour accéder à une vérité supérieure, à un monde au-delà du rationnel. Il est en quête d'un univers irréel qui obéit à une logique poétique, mais pour cela il faut détruire le monde de la raison beaucoup trop pascalien. Le réalisateur affirmera : « certains disent que la société doit être détruite pour être remplacée par quelque chose de totalement nouveau et de plus juste... je ne sais pas... je ne suis pas un destructeur. » (9) Même s'il y a une volonté de changement Tarkovski considère que celui-ci ne doit pas se faire à n'importe quel prix.