Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
LA VIOLENCE, COMME INSTRUMENT DEMAGOGIQUE

  Mel Gibson (c) D.R.
L’élément le plus frappant et visible lors de la vision de La Passion du Christ, c’est la profonde démagogie fanatique qui émane des propos du film mais également dans l’esthétique même de l'œuvre filmique. Effectivement, Mel Gibson semble ne s’intéresser qu’aux souffrances christiques et oublie malheureusement de porter un regard approfondi sur la religion chrétienne, sans pour autant trahir ses idéaux. La maxime du début de film converge déjà vers la finalité même de l’œuvre : Il ne faut pas oublier que Jésus a tant souffert que nous devons lui être éternellement reconnaissant. Tel sera donc le sujet du film, le thème que le réalisateur exposera pendant plus de 120 minutes avec passion et une satisfaction foncièrement démagogique. Il n’est ici nullement question de donner à penser ; il ne s’agit que de croire et d’adhérer au propos du réalisateur. Instinctivement, et presque malgré nous, la puissance et la dureté des images nous absorbent et nous font vivre le film entièrement, par le biais d’une violence instrumentalisée et visiblement au service du propos. Non pas que la violence doive être interdite ou cachée pour un tel sujet (après tout, le souci de réalisme ne peut se passer de la violence), ce n’est pas la violence en tant que telle que je critique, mais celle-ci est filmée avec une telle complaisance et un certain masochisme qu’elle n’est plus là pour soutenir la réalité du fait, mais pour s’imposer sur le fait lui-même et s’affirmer comme l’élément fondamental poussant à la compassion christique. En s’attardant sur la flagellation du christ alors même que les Evangiles n’en font qu’une mention sommaire, et en la filmant de telle manière que le spectateur subit lui aussi les souffrances qu’on lui donne à voir, Mel Gibson sublime la violence et la torture du Christ, et cherche manifestement à faire entrer le spectateur dans une logique de la compassion forcée. Chaque flagellation est soulignée par un ralenti douloureux, et l’atmosphère sonore de la scène, (dans une plus large mesure de toutes les scènes de violence), emphase également la lourdeur de la torture infligée. Volonté d’autant plus détestable que Mel Gibson cherche ici à toucher les instincts et à faire adhérer par le dégoût manifeste de chacun ; il ne vise pas l’intelligence du spectateur, mais ses faiblesses et ses affects, en submergeant celui-ci dans une vague de violence parfois inutile et excessivement soulignée. Je pense notamment à la crucifixion du Christ, où chaque coup de marteau est une épreuve pour le spectateur submergé et où la plaie du Christ fait exploser un geyser de sang sur le visage de Marie. Incontestablement, Mel Gibson se complaît dans son exposition de la souffrance et confirme définitivement sa passion pour la violence et la mutilation humaine ; huit ans plus tôt, Braveheart ouvrait déjà la voix dans la stylisation de la souffrance.