Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
Un si doux visage (c) D.R.

Nous demeurons plus réservés sur la qualité de l’œuvre. Certes cette dernière est remplie de mérites, mais témoigne davantage de l’excellente facture dont font preuve les plus brillants films d’un studio prestigieux que du génie d’un homme surmontant tous les obstacles mis sur son chemin par l’adversité.

A cet égard, la mise en scène se révèle d’un classicisme à toute épreuve. Preminger et son chef opérateur Harry Stradling usent de focales longues pour mettre en valeur leur couple vedette dont les actions sont de temps à autres suivis par des mouvements d’appareil très discrets. Nous avons là le prototype même de la mise en scène invisible dont la modestie poursuit comme dessein de renforcer par effet de contraste l’impact dramatique de ce qui est présenté, l’intensité de l’action semblant s’imposer par sa puissance intrinsèque sans aucun artifice technique. Effectivement Preminger ne recherche à aucun moment la moindre audace visuelle. Un résultat aussi heureux n’est cependant obtenu que par un équilibre bien fragile d’une mise en scène harmonieuse, qui risque pourtant de se situer souvent aux frontières de la monotonie.

Un si doux visage (c) D.R.

Le mérite principal du film se situe certainement ailleurs. Jean Simmons incarne en effet une des héroïnes les plus complexes du film noir. Son personnage n’a rien de monolithique et n’en finit pas d’évoluer et de s’enrichir au fil de l’intrigue. Alors que le spectateur pouvait s’octroyer le droit de la qualifier de garce intégrale et dérangée au début du métrage, il est progressivement conduit à s’attendrir sur le sort réservé à un être sensible mais damné.

La plastique de l’actrice constitue déjà un monde en soi : des traits dont la grâce fragile est parfaitement associée au malheur. Plus la beauté est parfaite, plus grandes sont les probabilités qu’elle contient quelque chose d’irrémédiablement brisé, par un paradoxe dont le caractère troublant s’est souvent vérifié.

On devine immédiatement le caractère dérangé de Diana Tremayne, dont les lambeaux d’intelligence ne sont guidés que par le désir de tuer sa belle-mère. Diana se révèlera cependant bien plus passionnante à suivre qu’une simple folle dont seul un comportement irrationnel et diabolique peut-être attendu. A cet égard le personnage de Jean Simmons se révèle bien plus dense que celui tenu par exemple par Gene Tierney, autre beauté fatale,  dans Péché Mortel (John Stahl, 1945). Diana est capable de remords sincères et conserve la faculté d’appréhender rationnellement son erreur : sa belle-mère aimait véritablement son père qui avait parfaitement droit au bonheur en refaisant sa vie avec elle. Cependant la rationalité trop tardivement installée ne pourra permettre au personnage de reprendre son destin eu mains comme si les forces du mal ne pouvaient que forcément s’imposer après avoir été libérés. C’est là le côté fataliste du film qui appartient par là intégralement à l’univers du film noir.