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Robert Mitchum forme certainement
un joli couple aux côtés de Jean Simmons, qui lui vole pourtant
la vedette en termes de pure présence à l’écran. Dans Un
si doux visage, Mitchum impose pleinement son caractère
de nonchalance quelque peu désabusée qui devait devenir sa
marque de fabrique, sauf lorsque l’acteur transcendait cet
aspect vers autre chose ainsi que ce fut le cas avec
son interprétation superlative d’Harry Powell dans la Nuit
du chasseur.
Cette facette était déjà plus qu’esquissée dans la Griffe
du passé, premier grand rôle dans l’acteur dans cet autre
titre fondamental du film noir, mais elle explose véritablement
avec le personnage de Frank Jessup qui déambule de la même
démarche lasse et en réalité lassante durant tout le film.
Remarquons que Frank est presque connoté plus négativement
que celui de Diana. En toute hypothèse les deux personnages
poursuivent un itinéraire inverse. Frank fait montre à deux
reprises de faiblesse coupable en préférant Miss Tremayne
à sa fiancée sans reproche. Au début du métrage il se comporte
à l’égard de Mary comme s’il était dénué de toute obligation
à son égard. Il en a rencontré une autre et cela suffit. La
seconde occurrence est plus lourde de conséquence : Frank
a parfaitement conscience que Diana est une mythomane sur
le point de commettre un meurtre mais il choisit de tomber
dans ses bras en dépit du bon sens. A l’issue du film, et
alors que Diana fait un acte de repentance sincère, c’est
lui qui se montre inflexible, ce qui causera sa perte. C’est
là une autre illustration de la thématique chère au film noir
selon laquelle les personnages principaux sont incapables
de jamais se trouver en symbiose. C’et ce défaut d’accord
qui conduit à un dérèglement progressif de l’équilibre de
leur monde jusqu’à ce que la mort seule intervienne pour les
réunir définitivement.
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Il est là encore intéressant de comparer
Jessup avec le personnage tenu par Mitchum dans la Griffe
du passé, où il campait un détective privé ne se laissant
jamais corrompre par la pourriture ambiante mais qui se trouve
pourtant également condamné à mort. Dans les deux films Mitchum
périt en voiture. La mise en parallèle qu’effectue Un si
doux visage entre la mort du père et de la belle-mère
de Diana puis la mort de cette dernière et de Frank est assez
saisissante : l’identité de figure de style est la représentation
parfaite de cette idée de cycle infernal fonctionnant selon
un mode répétitif, obsessionnel. Cet écrasement doublé d’une
automobile au fond d’un ravin a quelque chose de pathétiquement
dérisoire, voire de grotesque. L’effet est en même temps,
bien entendu, particulièrement tragique tant la conscience
humaine a tendance à s’apitoyer et à se dérober devant le
spectacle d’un phénomène de destruction tout à la fois implacable
et totalement naturel.
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