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Yaaba

La première image du film est aussi la toute dernière : une petite fille court dans l'étendue de la terre, un petit garçon la suit en courant. Arc de la vie. Ils courent jusqu'à se fondre avec la terre, un seul et même corps. Se fondre avec la terre-mère, fuser dans l'harmonie. Cette idée de véritable fusion des corps trouve par ailleurs un écho générationnel dans la relation entre cette petite fille, Nopoko, et Sana, la vieille dame. C'est d'abord Sana qui aide Nopoko à débusquer le petit garçon (première scène), ce sera ensuite le voile de Nopoko qui couvrira le corps inerte de Sana. Mais c'est, aussi, ce bracelet, ce lien personnel, ce petit arc, qui unira à la toute fin les deux femmes, une transmission s'est opérée.

L'union des corps et des êtres est ainsi d'une grande poésie dans Yaaba en particulier par l'intermédiaire, si l'on peut dire, de l'eau. De l'eau est versée sur la tombe d'une mère disparue au tout début du film, la dernière scène se déroule dans l'eau où chacun semble renaître. Et, entre les deux, un « simple » raccord de montage : Sana boit du lait et, « cut », Bila plonge dans l'eau de la rivière. Et pas n'importe quelle rivière : une eau terreuse et laiteuse mise en valeur en gros plan sonore (alors qu'à l'image nous restons à distance). L'eau recouvre dans Yaaba une épaisseur, une vie propre.

  Yaaba

Autrefois le Burkina Faso était appelé la Haute-Volta en rapport avec les fleuves qui irriguent le territoire et Yaaba n'est clairement pas un film d'aridité, mais bel et bien de vie. C'est cette eau qui recouvre les plaies de Nopoko, c'est cette eau que l'ingénieur du son Jean-Paul Rugel « grossit » jusqu'à en faire naître un corps à part entière dans le film. Notons ici que Rugel avait déjà prêté son oreille à des films tels que Paris Texas, S’en fout la mort, Beau travail, La lettre, ou plus récemment Les égarés. De même le mixeur de Yaaba est Dominique Dalmaso, que l'on retrouve au générique de films comme Les valseuses, Thérèse, La haine ou Le roi danse.

Pourtant, si la profusion des liens secrets et sensuels travaille dans Yaaba, le film n'est pas moins une réflexion sur ce qui sépare les êtres, les sexes et les générations entre eux.


L'AUTRE AU PRÉCIPICE

La société traditionnelle abhorre tout ce qui n'est pas dans le groupe. Et si jamais un individu s'écarte de la communauté, on le sait, il y a effet « boule-de-neige » sur l'ensemble du groupe. Même en Afrique. Yaaba montre la volonté d'indépendance de Bila, ce petit garçon qui, toujours, sort du champ de la caméra (autrement dit ici du cadre social) et qui, toujours, cherche à se lier avec Sana, l'exclue du village.