L'art du réalisateur repose sur le statut
ambigu de cette intrigue policière, non aboutie. Elle semble
géométriquement calculée avec les instruments de mesures du
peintre qui évaluent la perspective. (1) Les références
à l'histoire de l'art sont nombreuses : Vermeer, De la Tour
« Piero Della Francesca, ainsi que la décomposition de l'image
en petits carrés, avec des rayures, des grilles verticales,
de la frontalité, de même l'utilisation anti sentimentale d'une
musique contemporaine néo-baroquisante, et le parti pris de
statisme glacé. » (2)
Outre une plastique bien pensée quelque peu surréaliste,
il s'agit d’un meurtre sans enquête. C'est le spectateur qui
reconstruit cette charade minutieuse : véritable décryptage
pictural sous le pacte d'un jeu malsain de l'esprit. Ce « contrat
en ligne de fuite » représente une intrigue sexuelle et
policière qui semble maniériste et pervertie.
« Contrat en ligne de fuite »
Il existe un caractère systématique entre
le contrat et le cadrage : une forme de rigidité arithmétique.
L'usage de la caméra reste fixe ou lorsqu'elle se déplace, c'est
latéralement avec un travelling, donc en maintenant un cadrage
frontal : le peintre face à son dessin. De même, les accords
contractuels qui unissent monsieur Neville et madame Herbert
se réalisent dans une bipartition frontale. Les rapports sont
violents, sans concession derrière une préciosité feinte. Monsieur
Neville consomme la chair sans préliminaire. Il va droit au
but. Lorsqu'il élabore un dessin, une fois quadrillé méticuleusement,
son objectif est de commencer son œuvre en construisant les
lignes de fuite pour la perspective. Il existe une sorte de
mécanisation dans l'exécution des tâches qu'elles soient sexuelles
ou artistiques.
Cette rigidité de la formalisation
se retrouve dans la précision maniaque des horaires d'exécution
des dessins, (3) dans la fixation par contrat de leur
nombre : soit douze. Dans ce souci de géométrie quasi forcée
se dégage une artificialité où « l’œil ne "possède"
rien dans cet espace ; il est comme dépossédé par un
effet de regard qui l’aliène, il est plutôt comme "possédé." »
(4) Non seulement le cadrage est fixe, frontal, en ligne
de fuite comme dans les œuvres de Piero Della Francesca, (5)
mais encore les personnages évoluent dans ce cadre de manière
statique comme s'ils posaient pour une œuvre picturale.