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Blow Up (c) D.R.
Comme dans Blow up où le photographe ne découvrira les indices d’un meurtre qu’après avoir fait développer les photos, le dessinateur ne comprendra jamais les messages subtils de ces objets ni ne saisira le complot qui se trame hors champ : « croyant à la transparence du signe, comment Neville percevrait-il cette autre mise en scène élaborée par la double figure féminine de la mère et de la fille, puisqu'il y devient le substitut du père assassiné, unique objet de la quête où il s'acharne. » (13) Le peintre n’identifie pas cette double nature de l'intrigue qui prévaut l'instabilité du sens. Monsieur Neville peut décoder la vérité alors qu'elle se retourne en son contraire. Pensant maîtriser ses deux femmes par le sexe et le langage, il devient l'objet victime d'un certain maniérisme qui incarne le chaos dans cet Eden britannique trop bien rangé.


Maniérisme perverti

La composition plastique du film de Greenaway reste maniériste. Il existe une surcharge d'accessoires avec les costumes exubérants, avec l'ampleur du décor constituée de jardins bien taillés qui s'étalent à perte de vue. De surcroît, l'élocution affectée des acteurs et leur position statique dans les cadrages rendent leurs mimiques caricaturales. Préciosité dans cette composition qui entraîne une exagération formelle. Images baroques : le remplissage de toute la surface de l'image cache un problème de fond. Outre la somme organisée d'éléments empruntés à l'histoire de l'art, le réalisateur ne dévoile pas la vérité. Le film a besoin de mensonges.

  Peter Greenaway (c) D.R.
Sous la respectabilité de l'image proprette et des dialogues aux joutes verbales succulentes, le vice apparaît. Sous l'apparence d'une société stricte, une décadence luxuriante pousse la provocation jusqu'à son point ultime. Ces personnages s'accrochent au code ancestral des valeurs aristocratiques : l'honneur du nom et de la descendance. Figé dans une caricature sous l'égide du regard satirique de Greenaway, le sexe fort est ridiculisé. Les hommes sont « emperruqués » et poudrés de manière grotesque cachant à peine la sottise et l'impuissance.

A l'inverse, les femmes plus dignement accoutrées masquent la dissimulation et la ruse. Madame Herbert et sa fille représentent le sexe faible pervertissant les conventions qu'on lui attribue. Les manières de ces dames sont autant de moyens pour duper la gent masculine. Elles se sentent menacées et doivent assurer leur survie dans un monde impitoyable sous une tutelle masculine oppressante qui se préoccupe peu du sort des femmes. Ce film  est marqué par une sorte d'extravagance qui se joue des éléments historiques du décor pour installer une perversité qui contamine les sujets.

L'effet voulu reste la caricature qui dévoile le monde raffiné et corrompu d'une fin de siècle anglaise. La musique d'inspiration purcellienne, étrange et captivante de Michael Nyman, dont l'électronique donne une mélodie de coupe à l'ancienne, ponctue de manière perverse le récit filmique. En effet, tous les thèmes du meurtre, qui sont  liés de manière mélodique, se composent de quatre à cinq notes répétées. Cela crée une sorte de fanfare dont le rythme obsédant caricature ces jardins  labyrinthiques. L'ordre des buis taillés et des obélisques en plein dans la ligne de fuite fait croire au spectateur qu'il se trouve émergé dans un décor historique et romanesque dans lequel il pourrait s'identifier.