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UN MARXISTE FASCINE PAR LE SACRE

  Accatone (c) D.R.

Nous l’avons vu précédemment, l’œuvre pasolinienne semble reposer sur un dualisme crée par une exposition double de l’humanité, ainsi que sur un lyrisme déchiré par « une sorte d’hystérie apocalyptique ». Mais l’opposition, ou plutôt la contradiction, ne se limite pas à ces considérations premières. D’une part parce que ce serait ignorer les convictions politiques et idéologiques marxistes du cinéaste, constitutives de son cinéma, mais aussi parce qu’il ne faut pas non plus oublier de traiter de la relation particulière et complexe que cet athée révolté a entretenue avec le sacré et le mysticisme religieux. Deux thèmes prédominants dans l’analyse de l’œuvre pasolinienne qui lui donnent, en partie, son sens, sa profondeur, et révèlent une vision particulière et intéressante de deux idéologies radicalement opposées et contradictoires. D’une part, Pasolini insère ses œuvres dans un contexte social déterminé (les classes sous-prolétariennes de la périphérie romaine) : le cinéaste ancre donc son propos dans une réalité sociale qu’il ne cessera d’analyser et d’accuser. En effet, les héros pasoliniens sont tous les proies d’un système. Davantage politique et social dans les débuts de son œuvre, comme en témoigne l’environnement urbain et misérable d’Accatone et de Mama Roma. L’on sait que Pasolini a violemment critiqué la classe bourgeoise de l’Italie, notamment dans Théorème, en préférant la simplicité et la sincérité de la classe prolétarienne. L’analyse de l’Italie continue dans Comizi d’Amore, une enquête sur la sexualité où Pasolini arpente les faubourgs et les plages italiennes afin de déceler les préjugés sociaux et de les décortiquer en profondeur. Réflexion sur la société plus que fiction cinématographique, ce document sur la sexualité, ainsi que les premières œuvres pasoliniennes, reposent sur une conception marxiste de la société ; soutien du prolétariat, invective  véhémente de la classe bourgeoise dans laquelle le cinéaste a grandi. Le cinéma pasolinien s’inscrit en conséquence dans une réalité sociale manifeste. Et de par ses convictions marxistes, l’on peut se questionner sur l’attirance et le respect marqué du cinéaste pour la religion.

Car le sacré dans le cinéma pasolinien est constamment présent, il habite les œuvres du cinéaste, notamment dans la seconde période de sa créativité cinématographique. Dans l’Evangile selon Saint-Matthieu (1964), évidemment, où Pasolini retrace avec un respect étonnant la vie de Jésus, dans la Trilogie de la vie, mais aussi dans Salò, où les ultimes tortures, insupportables, sont élevées à un degré de sacralité époustouflant et terriblement malsain (les derniers sévices sont infligés sur des chants religieux). Hymne à la vie ou liturgie macabre, le sacré englobe l’ensemble de la pensée pasolinienne, autant d’un point de vue formel qu’intellectuel. Cependant, il est nécessaire de noter que le sacré se décline de plusieurs manières dans le cinéma pasolinien : Dans sa dimension chrétienne, le sacré chez Pasolini mêle l’attitude respectueuse (L’Evangile) et une désapprobation manifeste, comme en témoigne Théorème, où la figure divine n’est pas un révélateur spirituel, mais sexuel. La contradiction est une fois de plus visible.