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Documentaire ou fiction ?

Abbas Kiarostami (c) D.R.

La question que l’on se pose à propos d’Et la vie continue concerne la réalité de ce qui a été filmé. Est-ce un documentaire ou bien s’agit-il d’une reconstitution ? Si la question est pertinente, c’est que Kiarostami lui-même ne cesse de la remettre sur le tapis.

Plusieurs éléments nous confortent dans le fait qu’il s’agit bien d’un documentaire : il y a vraiment eu un tremblement de terre en Iran, et les décors et les paysages que le film nous dévoilent ont tous été touchés par la catastrophe.

De plus, le personnage principal du film est le réalisateur du film Où est la maison de mon ami ? donc, pour qui ne connaîtrait pas Kiarostami physiquement, Kiarostami lui-même ! Sa quête est la quête d’un documentaire : il s’agit, non pas de retrouver des personnages, mais de retrouver les vrais enfants.

  Où est la maison de mon ami ? (c) D.R.

Tous les comédiens d’Où est la maison de mon ami ? que le réalisateur rencontre (Mr. Ruhi, le jeune garçon aux yeux verts, et celui qui était au troisième rang dans la classe) viennent renforcer l’aspect documentaire du film : ils sont là tels qu’ils sont dans la réalité, dépouillés de leurs personnages, confrontés à la perte d’une famille, à un problème de logement. Comme si Kiarostami nous dévoilait les « trucs » du précédent films (Mr. Ruhi jouait avec une bosse et semblait plus vieux, le petit chemin en zigzag qu’emprunte le personnage principal d’Où est la maison de mon ami ? ne se trouve pas du tout à l’endroit où on l’imaginait) pour mieux nous faire croire à la « vérité » de celui-ci.

En fait, Abbas Kiarostami, immédiatement après le tremblement de terre, a fait une première fois le trajet pour s’enquérir des deux enfants d’Où est la maison de mon ami ? De retour à Téhéran, le temps de monter une équipe de tournage, et d’engager deux comédiens ( qui n’en sont pas vraiment, l’un pour le rôle du réalisateur d’Où est la maison de mon ami ?, c’est-à-dire pour jouer son propre rôle, et l’autre pour celui de son fils) il repart, refaisant le trajet, fort du même objectif : retrouver les enfants de son film précédent.

Où est la maison de mon ami ? (c) D.R.

Sauf qu’en même temps, et paradoxalement, Kiarostami scie la branche sur laquelle il se trouve, en dénonçant par endroit le dispositif qu’il a lui-même mis en place et qui s’avère être fictionnel. Par exemple, le personnage du réalisateur n’est pas Abbas Kiarostami. C’est un ami sociologue. Tout comme l’enfant, Pouy, n’est ni le fils d’Abbas Kiarostami, ni celui du sociologue, mais celui du chef opérateur. 

Ainsi, le fait que le personnage du réalisateur d’Où est la maison de mon ami ? ne soit pas Kiarostami lui-même, mais un comédien, nous rappelle à chaque instant que nous sommes face à une fiction, inspirée d’une réalité autobiographique certes, mais fiction quand même. Une des actions du personnage est de montrer régulièrement aux personnes qu’il croise l’affiche d’Où est la maison de mon ami ? sur laquelle figure le petit garçon. C’est une manière de dissocier la réalité de la fiction, en affirmant que le film précédent était une fiction, que ce petit garçon sur l’affiche jouait un personnage. Il nous fait croire, paradoxe, à la « vérité » de celui-ci : puisqu’on se place au niveau de la réalité du premier film, c’est que ce film là est toujours dans la réalité  (fiction au second degré).