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L'Homme de l'Ouest (c) D.R.
Il n’y a en effet guère d’évolution morale ou de quelconque rédemption lors du déroulement de l’Homme de l’ouest : Link Jones n’a plus besoin de sauver son âme, car il l’a déjà fait, mais doit lutter pour préserver son acquis. Doc Tobin, son ancien mentor, a vieilli dans le crime et une douce folie le conduira à mourir comme il a vécu. Parmi les acolytes de Tobin, seul le cousin de Link, Claude, semble pouvoir retrouver le droit chemin. Mais lorsque Cooper s’étonne de ce que son bon sens ne l’ait pas conduit à s’éloigner de Tobin, Claude le rejette et dit son amour pour le vieil homme, qui représente toute sa famille. Le seul personnage féminin restera engoncé dans la même solitude tout au long de l’histoire : âme sensible sans cesse exploitée pour son attrait charnel, Billie Ellis trouve enfin l’amour lors de sa rencontre avec Link Jones. Elle se heurte pourtant à une triple barrière invisible, une épouse et deux enfants de huit et dix ans qu’on ne verra jamais tant leur existence semble faite pour contrarier les élans de l’héroïne. Seul le truqueur Sam Beasley  renonce à l’artifice pour élever sa condition mais il le fait au prix de sa vie à laquelle il renonce pour sauver Jones.

Ainsi le propos de l’Homme de l’ouest diffère par exemple de celui de Je suis un aventurier, souvent perçu comme le jalon le plus exemplaire issu de la rencontre Mann/ Stewart. Dans les deux films les protagonistes parcourent un itinéraire les conduisant à travers une variété de paysages à la rencontre de leur destin. Mais alors que celui de Link Jones est scellé dès le début de l’œuvre, l’avenir de Jeff Wesbter (James Stewart) n’est qu’une suite d’ouvertures vers un infini de possibles. Individualiste forcené, il s’assagira finalement au fil de ses aventures pour découvrir les vertus de la solidarité communautaire. Le ressort dramatique de Je suis un aventurier, et des westerns de Mann en général, se base sur la foi en la malléabilité de l’homme alors que l’Homme de l’ouest est beaucoup plus figé, le changement du personnage de Gary Cooper ne faisant pas partie des enjeux de l’intrigue. Si la foi communautaire de Mann reste intacte, elle n’est plus la préoccupation première du réalisateur qui focalise son attention sur l’épreuve infernale à laquelle est soumis le personnage de Gary Cooper.

  L'Homme de l'Ouest (c) D.R.
Le point commun principal entre les deux westerns reste ce goût du contraste dans la localisation de l’intrigue, se déroulant dans des lieux à la topographie radicalement différente. Il a beaucoup été insisté sur le rôle du paysage dans les films de Mann et celui-ci en particulier. Un usage amplifié de la profondeur de champ le rend en effet omniprésent au point que d’aucuns parlent à son égard de protagoniste à part entière. Cette vision des choses est certainement erronée. Les lieux ne possèdent aucune influence sur le comportement des personnages. Inversement ils n’apparaissent à aucun moment comme le reflet de l’état intérieur de ces derniers. Le film s’achève certes dans des reliefs à l’aridité désolée mais la mise à mort du clan Tobin aurait parfaitement pu se dérouler au sein de collines verdoyantes comme cela fut le cas pour Coaley  et Sam Beasley.

Dans le même ordre d’idées la rencontre finale entre Link et Tobin est dépourvue de toute grandiloquence baroque alors que la scène pouvait s’y prêter : Tobin, au sommet d’un monticule de rochers, apostrophe Link encore en bas. Le plan laisse à voir les deux personnages respectivement en amorce et à l’arrière du plan. L’effet de distance ne possède pas pour autant une résonance immédiatement tragique telle qu’on pouvait la constater par exemple au moment de l’affrontement meurtrier entre Jennifer Jones et Gregory Peck, positionnées dans un espace identique à celui qui nous occupe, dans Duel au soleil. Là encore Mann est trop impassible pour qu’on puisse lui prêter des intentions similaires à celles de King Vidor. Son sens du paysage a toujours été exempt de dimension tragique et une idée comme celle de la nature surlignant le destin des personnages lui est définitivement étrangère. Et il ne faut pas attendre la conclusion du film pour voir deux personnages disposés à l’extrême opposé du plan puisqu’il s’agit d’un procédé tout à fait habituel chez Mann (voir déjà l’apparition lointaine de Claude observée par Link).