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  Made in Britain (c) D.R.
Dans Contact, l’idée d’oppression et d’incertitude pesante qui ne laisse aucune échappatoire est mise en évidence dans les séquences nocturnes filmées par une caméra infrarouge. Les images ainsi créées ressemblent à une version extrême des techniques du film noir et de ses effets de désintégration des êtres et des objets. Dans le film de Clarke, la figure et le corps humain sont transformés en des ombres diffuses, sans identité. Les soldats, déjà peu individualisés, sont réduits à des pures silhouettes qui se confondent avec la nature environnante. Leur assise identitaire ébranlée, toute leur existence, c’est-à-dire leur présence en Ulster, est mise en doute. La caméra mobile oscillante intensifie les effets de déstabilisation recherchés par Clarke. Dans les séquences nocturnes notamment, tout est mouvement et tout se confond dans un tout organique où les contours sont estompés. Contact, où seul le commandant est individualisé, capte les corps en mouvement et au repos, des corps soumis à une tension intérieure. Parfois, le film crée des mouvements brusques générateurs de chocs visuels. L’énergie négative et meurtrière émane des corps en action sur lesquels elle retombe parfois. Dans Elephant, ce sont les longues marches des personnages que la caméra  reproduit. Et c’est le bruit des pieds qui résonne et qui est aussi omniprésent que celui des voitures. Les structures psychiques sont transmises par le mouvement, par ces déplacements physiques essentiellement à pied. Les personnages sont en grande partie constitués par leurs mouvements et leurs actions. Les déplacements pédestres sont tellement fréquents dans les films de  Clarke qu’ils sont devenus sa signature. Il en est ainsi au plus tard depuis Made in Britain où le réalisateur commence à utiliser la Steadicam, la caméra portée, de manière fréquente. Ses protagonistes se déplacent à pied dans les rues, les tunnels, les escaliers, les couloirs. Les amples mouvements de Trevor dans Made in Britain expriment l’énergie du skinhead, une énergie nihiliste et destructrice. Ils sont à la fois l’expression de sa soif de liberté et de la colère qui l’habite et le pousse vers des actions violentes. Les mouvements des personnages ne sont pas dissociables du sentiment de fermeture qui envahit les images. La caméra leur collant sur le dos et les cadrages serrés limitant le champ d’action de ces personnages compromettent l’idée de la liberté à tel point qu’elle est niée. Les personnages des films de Clarke marchent et ne cessent de marcher sans aucun but visible. Le même sentiment de frustration, de futilité et d’absurdité plane sur Contact et sur Elephant où les personnages sont pris dans un mouvement circulaire sans progression évidente.

Tout est dans l’image et dans le jeu des acteurs. La caméra de Clarke expose les corps et les forces qui les habitent et explore leur vie intérieure. Les gros plans du commandant témoignent d’un sentiment de dégradation et de démoralisation qui affecte le régiment entier. Après chaque patrouille, l’expression faciale de l’officier, montré dans sa chambre, révèle ses pensées et son état d’âme : elle va d’un sentiment d’assurance à celui de la méditation, de l’épuisement au bouleversement, du sentiment de culpabilité au deuil. L’exploration des sentiments est soulignée par la technique, à savoir l’emploi très original des objectifs à grand angle. Pendant le tournage, les acteurs n’étaient pas toujours conscients de la position de la caméra et du moment où ils étaient cadrés en gros plan (6)... Ils sont donc pris à l’improviste dans des gros plans introspectifs. Au moment où un hélicoptère vient au secours du régiment, on distingue le commandant montant dans la machine. La scène est filmée en plan général ce qui rend difficile de le distinguer parmi les autres soldats. Néanmoins, on voit son sourire exprimant le triomphe et le soulagement. Révélant les états mentaux et psychiques dans l’image, la forme dramatique et esthétique très épurée accorde une signification au moindre changement d’expression.