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Il était une nuit, dans le fabuleux château de Xanadu, un homme seul. Il meurt et dans un dernier souffle appele « Rosebud. » Qui était-il ? A la recherche du sens des derniers mots d’un homme, immensément riche et puissant - prétexte premier du film, Thomson est ce journaliste narrateur qui fait s’exister l’ogre Charles Forster Kane tout au long du film, par la parole de ceux proches, ou lointains, qui l’ont connu, aimé ou haï. Une enquête guidée par cette idée que les dernières paroles d’un homme expliquent sa vie. Citizen Kane sera cette tentative d’un film qui commande à plusieurs voix de donner corps à un homme, bigger than life : Kane. Can, de ce pouvoir d’être, ce pouvoir de l’avoir qu’il accumule tout au long de sa vie ; récit d’un petit enfant, un Kid Kane dont le cauchemar fut d’avoir été trop riche d’un flot d’or, une grotte qui crache la troisième fortune du monde.

Citiezn Kane (c) D.R.

Citizen Kane est un film kaléidoscope à l’image de cette boule de neige fracassée aux reflets diffractés, qui semble d’elle-même s’immiscer discrète et têtue le long du film.  Une impossible vision (comment regarder l’un sans l’autre ?) ou plutôt une vision schizoïde. Et tout ça pour quoi ? Pour un mot d’enfant dans la bouche d’un presque vieillard qui tenait, en son temps, entre ses mains, le monde. Il y a quelque chose de ridicule dans cette obscénité-là, d’un trop grand écart entre l’immensité splendide de ce domaine royal et cette vulgaire maison de poupée de neige. A en rire d’effroi si nous n’étions pas pris dans les rets du conte. De cette curiosité exacerbée créée par les conditions de suspens du conte ; suspendu au bord du dernier souffle Rosebud qui nous fait oublier l’énorme invraisemblance : il n’y avait que nous dans la chambre et personne d’autre ! Ce détail logique s’effondre dans notre entendement lorsqu’il nous apparaît, car il ne remet absolument pas en cause notre croyance farouche pour cette histoire. Je sais bien que mais…Souffle vital de la fiction.

Car ce qui se joue est en deçà du raisonnable. Citizen Kane, c’est la maison neigeuse dans la boule de verre, quelque chose de grossi, de têtu, presque bête dans sa fausse naïveté et qui, à chaque fois, transperce le cœur. Récit d’une déflagration d’une vie pour un reste d’enfant. Ce serait Petit Poucet version adulte.


Eloge du çà-voir - No trespassing

  Citiezn Kane (c) D.R.

Défense d’entrer en gros plan à l’ouverture au noir du film. Barrière qui semble ne jamais finir tant la caméra s’élève haut pour franchir ce grillage, cette grille, cette clôture, cette forteresse. Alerte qui n’est qu’une invite à la dépasser avec délice, celui du ravissement de la transgression. Manière d’en appeler à notre pulsion scopique certes, celle du tout-regard dévorant et carnassier (gros plan de la bouche). Palpitation clignotante du fond de la nuit, tout en haut du château. Appel d’offre à tous les regards accrochés à cette lanterne magique. Pour percer le secret derrière la porte, regard perçant, une avidité du savoir, pour s’y mêler à ce qui se passe de si terrible derrière la porte, cette cloison qui se laisse pénétrer si facilement, presque par magie, de cette facilité complice, douteuse même ; s’écartant pour nous si facilement, comme si cette porte n’était là que pour nous, pour ça, de n’être/naître que porte pour ce seul moment d’ouverture sur ce gouffre caverne de la bouche. Une porte amie de nos fantasmes inouies « je veux çà-voir, je veux tout voir »