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  Down by law (c) D.R.

Véritable tour de Babel où l’on parle hongrois, italien, japonais, français, finois, indien et bien sûr anglais (pour l’instant...), l’œuvre de Jarmusch montre que la diversité des langues n’est pas cause que l’on ne s’entend pas, mais qu’elle en est l’un des signes les plus évidents. Mais en même temps, c’est dans cette difficulté à s’entendre, qui est pour le comportement humain l’équivalent des espaces désolés évoqués plus haut, qu’une possibilité de rencontre peut se manifester, qu’une entente peut naître, redonner la vie, l’espoir, comme dans le célèbre morceau de bravoure de Down by Law« They all scream for ice-cream » ( alors qu’à l’inverse - ce que Jarmusch a jusqu’à présent toujours montré avec humour -, il n’y a plus d’espoir quand un bavard rencontre un taciturne : l’un d’entre eux doit mourir, le bavard (le tueur à gages dans Dead  Man) ou le taciturne (le prêtre dans Night on Earth).


LE ROMANTISME

Après Stranger than Paradise, on a fait un peu vite de Jarmusch l’un des représentants du soi-disant style « post-moderne », qui serait la marque des années 80. On constatait que ce film faisait référence, par son esthétique « documentaire », par le retour au noir et blanc, par le réalisme des décors et des accessoires, par ses personnages impénétrables et inactifs, au néo-réalisme italien, tendance Antonioni.

Dead Man  (c) D.R.

Pourtant, dés Permanent Vacation, son film précédent, la filiation à laquelle adhère Jarmusch est manifeste. Il s’inscrit dans la lignée des auteurs romantiques. Il ne cesse pas d’ailleurs d’appuyer sa propre vision par des références à la littérature romantique du 19e siècle, avec Lautréamont (le héros de Permanent Vacation lit les Chants de Maldoror), William Blake et Dickinson (noms de deux personnages dans Dead Man), ainsi qu’à celle du 20ème siècle, avec Paul Whitman et Robert Frost (que cite Roberto dans Down by Law).

En tant qu’auteur, Jarmusch se conforme d’ailleurs à l’attitude du créateur romantique, qui exprime volontiers et sans concession sa subjectivité dans ses films. On retrouve à chaque nouvelle œuvre « l’univers de Jarmusch », dans le style (les travellings latéraux, le recours au noir et blanc, la pratique de l’écran noir), et par le retour de certains détails qui tendent à unifier le tout, comme si l’éparpillement représentait une menace de désintégration psychique : William Blake vient de Cleveland (Dead Man), là même où Willie et Eddie sont allés rechercher Eva (Stranger than Paradise), et tous, ils échoueront au Paradis; les deux touristes japonais partent pour la Nouvelle-Orléans (Mystery Train), d’où Jack et Zack ont dû fuir (Down by Law); l’arrivée en train entrecoupée par les intertitres du générique de début de film dans Mystery Train est reprise dans Dead Man ; Tom Waits, DJ. au chômage dans Down by Law prête sa voix à la radio de Memphis dans Mystery Train ; Eva découvre New York ( Stranger than Paradise ), comme les touristes asiatiques Memphis (Mystery Train), et W. Blake « Machine » (Dead Man) ; une main, sorte de signature de l’auteur, est dessinée sur la valise des japonais (Mystery Train) comme sur le cheval de l’indien (Dead Man)... Jarmusch lui-même, avec ses cheveux blancs, a un « look » incomparable ; comme ses films, il est immédiatement identifiable, pour peu qu’on le connaisse.