Je n’avais pas revu David depuis la
sortie française de The Straight Story fin
1999, depuis près d’un an donc, et ce délai
n’a probablement fait qu’attiser et rendre plus sensibles
les éléments que j’évoquais précédemment,
comme la danse ininterrompue de ses mains, décrivant
dans l’espace des volutes hypnotiques pleines de charme, petit
ballet qui lui est coutumier lorsqu’il est pleinement absorbé
par le sujet qu’il traite.
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L’entretien avec David
s’est tenu chez lui, sur les hauteurs de Hollywood. Nicolas
Saada s’y était rendu pour la première fois
en octobre 1999 afin de réaliser, en compagnie de
Serge Toubiana, une longue interview qui constituait un
des morceaux de choix du dossier spécial que les
Cahiers du Cinéma avaient décidé de
consacrer à The Straight Story, dans le numéro
540 de novembre 1999. Comme cette première interview,
celle-ci prend également place dans ce qui restera
à jamais pour moi la Madison House. Nul n’ignore
à présent que cette maison est voisine de
la demeure de David ainsi que des bureaux de l’ex Asymmetrical
Productions, rebaptisée Picture Factory
à l’époque de Une histoire vraie
(1). Ces deux noms étaient d’ailleurs particulièrement
bien choisis et emblématiques de son œuvre. Ce n’est
que peu de temps avant Lost Highway que David avait
racheté cette maison, suite au décès
de son voisin. Durant le film, seul le premier étage
(et l’escalier qui y menait) avaient été spécialement
réaménagés pour accueillir le tournage.
Le rez-de-chaussée n’avait pas été
modifié, et des cartons encombraient une petite pièce
accolée au hall d’entrée. C’est dans un de
ces cartons qu’un technicien trouva un jour, dans un moment
de désœuvrement, une photo inattendue qui me troubla
beaucoup : cette photographie montrait, étendue
sur son lit de mort, la femme qui avait habité cette
maison. Ce jour-là, nous tournions précisément
la scène du meurtre de Renée dans la chambre,
et cette coïncidence étonnante n’encourageait
guère à considérer tout cela avec la
philosophie la plus sereine…
Depuis Lost Highway,
David a de nouveau entrepris des travaux dans cette maison,
la repensant de fond en comble afin de la transformer en
studio d’enregistrement, où il peut manipuler et
transformer à sa guise des sons. C’est vraisemblablement
dans les mêmes locaux qu’a été installé
le matériel informatique qui lui permet de travailler
sur le web, notamment pour Shockwave ou pour son site personnel,
sur lesquels nous reviendrons amplement ultérieurement.
La décoration minimaliste que l’on aperçoit
dans le documentaire d’Arte, si elle est habituelle chez
David, n’aide guère à se repérer, et
j’avoue que je ne pourrais pas précisément
situer l’endroit où il se trouvait à ce moment-là,
tant les aménagements effectués ont sans doute
été importants, même s’il me semble
qu’il se tenait au premier étage de la Madison House,
dans la pièce qui servait de studio de répétition
à Fred Madison dans le film. A peine apercevons-nous
les châssis de plusieurs grandes toiles alignés
le long du mur : la texture épaisse des tableaux
que nous devinons furtivement indique qu’il aime toujours
travailler la peinture comme une matière brute.
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Les informations livrées
par David lors de ces dix minutes ne sont pas légion.
Comme la plupart des personnes interrogées durant
le documentaire précédent de la soirée,
il loue les qualités d’Internet généralement
citées, expliquant tout de même que son scepticisme
premier était dû à la lenteur originelle
de la vitesse de chargement des images ou au manque de diversité
de ce qu’il était possible de créer au départ
à l’aide de cette nouvelle technologie : mettre
en ligne des images fixes ou du texte ne l’intéressait
pas, puisque cela ne pouvait évidemment que faire
double emploi avec les supports sur lesquels il travaillait
jusque-là. Comme tout un chacun, David est fasciné
par la vitesse de développement d’Internet et par
les nombreux espoirs artistiques que la toile mondiale suscite,
notamment par rapport à une diffusion à la
fois plus large, plus aisée et moins coûteuse
des œuvres de tout genre. Nous n’en apprendrons toutefois
pas davantage sur ses travaux pour le web et sur la réflexion
qu’il a menée pour s’approprier cette opportunité.