Jeudi 13 mai
J’ouvre les yeux. Il est huit heures. Dans
ma main, deux places pour Pola X de Léos Carax. Alors, quoi
de neuf, Léos ? Eh bien pas grand chose à vrai dire. Soit,
toujours aussi désespéré par les malheurs du monde, mais ta
mise en scène a quand même pris un sacré coup de vieux. Tes
acteurs sont trop fades, pas assez généreux. Allez Léos, reprends-toi.
Efface tes rides et remets-nous Boy meets girl au goût du
jour. Quelques séquences de Pola X, notamment les dernières,
peuvent encore te sauver de la médiocrité. Mais le film dure
2h14. Dommage ! Sinon, mis à part ça, un beau film israélien,
Kadosch, fort intéressant dans son fond et son propos : les
orthodoxes de Jérusalem, l’intolérance, l’oppression d’une
communauté extrémiste qui répugne les femmes. Pourtant, les
femmes, c’est comme l’amour : triste et joyeux à la fois.
Tout ce que nous vivons au monde. En soirée, rien. Aujourd’hui,
devant le nombre d’idiots au mètre carré s’affolant comme
des puces pour attraper une invitation, j’ai voulu rentrer
revoir Paris. Et puis, j’ai dîné, j’ai écrit, j’ai rêvé...
à demain.
Vendredi 14 mai
Le rythme s’accélère. Le réveil prend de l’avance. A 9h, Les
Convoyeurs Attendent de Benoît Mariage, pour la Quinzaine
des réalisateurs. L’humour des belges me fera toujours le
plus grand bien. Une si belle recette : un soupçon de ringardise,
un grain de méchanceté, un quotidien radicalement gerbant.
Mélangez avec un dialogue colérique, idiot, naïf. Appelez
un Benoît Poelvoorde (C’est arrivé près de chez vous) pour
jouer le texte. Filmez le tout en noir et blanc, pour que
les personnages paraissent brumeux, d’une autre réalité. Le
résultat : une oeuvre fantasque et corrosif. Un délice. Dernière
chose : en sortant du film de Benoît Mariage, un homme téléphone
avec son portable. Une autre personne, qui le connaît, veut
lui serrer la main. L’homme au portable ne décolle pas l’appareil
de son oreille et, pire, il se baisse avec. Du jamais vu.
Le ridicule ne fait plus que tuer, il enterre aussi. Très,
très profond, j’espère...
Samedi 15 mai
Voici Moloch d’Alexandre Sokourov, en sélection
officielle. Cette oeuvre nous propose de passer une journée
dans l’intimité d’Adolph Hitler et d’Eva Braun. Deux êtres
humains : un monstre et une folle, amoureuse, qui se sacrifie
corps et âme à son “Adi” préféré. Le décor, le bunker de Berchtesgaden,
encerclé par un brouillard ténébreux, nous plonge dans un
cauchemar des plus terrifiants. Les bourgeois quittent la
salle à toute allure. Tant mieux, ce film est un plaisir qui
ne se partage qu’entre fous. Pardon, qu’entre nous. De la
poésie, une prose cinématographique authentique. Ces précédentes
oeuvres, Mère et Fils et Pages Cachées, plus muettes, m’avait
révéler le talent d’un artisan du rêve. Merci. Pour finir,
au Grand Théâtre Lumière, The Limey, de Steven Soderberg,
Palme d’Or en 89 avec Sexe, Mensonge et Vidéo. Une histoire
de vengeance certes très bien montée, mais assez pauvre sur
le plan de l’intention. Pauvre Steven, t’aura fait qu’un seul
bon film...
|