HISTOIRE D'UNE COURSE
/ Istorya probiega
De Mourad Aliev
Un court métrage à faire pâlir Bartabas
: c'est vrai qu'ils sont splendides ces chevaux khaltykines,
les turkmènes ont raison d'en être fiers. Des séquences très
visuelles, et très « classiques » également dans l'approche,
des ralentis de chevaux galopant en liberté, certains plans
très découpés, d'autres plus académiques, et la digression
aux abattoirs où l'on tue les chevaux dans des bains de sang,
sont montés en parallèle avec un gros plan sur l'oeil interrogateur
et calme d'un cheval, avec un « joli » fondu au rouge. Esthétique
un brin désuète, mais charmante. Une pierre de plus à l'édifice
qui emmurera un jour tous les carnivores hippophagiques !
LA BRU / Nevestka
De Khodjakouli Narliev
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Film rare ! Cette fiction est le premier
long métrage de l'un des rares cinéastes turkmènes. Il faut
rappeler que Narliev est un auteur à part entière, il scénarise
ou co-scénarise (comme ici avec son frère) ses films et il
a même pris l'habitude d'y tenir un rôle. Passionné dès l'âge
de quinze ans par la photographie, il quitte son village natal
du Karakoum pour Moscou où il étudie le cinéma. Il devient
ensuite chef-opérateur. Il développe un sens plastique poussé,
c'est le moins qu'on puisse dire : pour l'anecdote, il assiste
un grand cinéaste turkmène de l'époque et les prairies qu'il
doit filmer étant trop fades à son goût, il les fait repeindre
(tiens, ça me rappelle un certain Antonioni). Ce film a deux
intérêts majeurs : son aspect ethnographique et sa qualité
esthétique. Maya Almedova en est l'actrice principale dont
on peut saluer la performance (elle épousa Narliev une fois
la réalisation du film terminée).
Pour la partie ethnographique, on peut citer
le montage d'une yourte, le quotidien de la vie pastorale
dans le désert du Karakoum, la confrontation entre les valeurs
des traditions gardées véritablement par la femme et le progrès
imposé par les nouvelles valeurs soviétiques (organisation
en kolkhozes, remplacement du chameau qui sert à puiser l'eau
du puits par une éolienne). Mais nous n'allons pas séparer
deux visions du film qui sont intimement liées. Filmer le
désert du Karakoum réclame un langage épuré : il y a peu de
dialogues, le reste est tellement riche ! Ici, le moindre
élément, le moindre son, le moindre objet, le moindre geste
prend une importance de premier ordre. On peut souligner la
«cinégénie» d'une telle austérité. La première partie du film
met en place les deux personnages principaux : Ogoulkéjik,
une jeune femme, et Ama-aga, son beau-père. On est dans les
années 40, Ogoulkéjik attend le retour de guerre de son mari
Mourad. Berlin ayant été libérée, il aurait dû revenir depuis
plus d'un an déjà. Alors en attendant, elle prend soin de
son beau-père, elle remplit son rôle de femme que la tradition
impose : port du voile, on ne parle pas à une vieille personne
par respect, on baisse les yeux.
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