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Relou, par exemple, réalisé par Fanta
Regina Nacro dans le cadre de Pas d’histoires, une
série de court-métrages censés offrir un regard sur le racisme
au quotidien, est révélateur de cette tendance puisque de
regard, justement, il n’en offre aucun. Dans un bus, deux
filles se font draguer par trois garçons d’origine maghrébine
qui devant leur silence se mettent à les insulter en arabe.
Finalement, à leur grande surprise, elles se révèlent parler
également arabe et être ainsi visiblement de la même origine.
Fin de l’histoire. Tout est dit. Il ne faut pas juger sur
les apparences, le raciste n’est pas toujours celui qu’on
croit... C’est sûr. Seulement, au cinéma, si l’on veut faire
passer quelque chose sur la société, il ne suffit pas de raconter
une anecdote édifiante. Encore faut-il créer un monde, c’est
à dire les conditions nécessaires aux personnages pour exister
et aux spectateurs pour partager une expérience. Ici, non
seulement le but recherché n’est pas atteint mais c’est même
exactement le contraire qui se produit : les spectateurs sortent
du film avec la satisfaction d’être plus intelligent que les
personnages et de ne pas être, eux, racistes.
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En fait, tout se passe comme si aujourd’hui,
dans le court-métrage français, le budget du film devait être
justifié par un nombre proportionnel de poncifs assénés. Et
on est en droit de se demander comment ces cinéastes en herbe
arrivent à se justifier à eux-mêmes l’argent mis dans des
films qui sont si peu l’oeuvre de personnes libres mais tellement
le produit d’un système.
Si émancipation il y a, elle est ainsi surtout synonyme d’un
professionnalisme outrancier qui privilégie la fabrication
du film à l’expression personnelle. Idéologie d’autant plus
douteuse que si les films s’en ressentent, son économie, elle,
reste celle de l’amateurisme, les techniciens ne touchant
la plupart du temps aucun salaire. En fait d’existence propre,
le court-métrage français risque plutôt de devenir l’antichambre
de la télévision, un vivier où elle pourrait puiser indéfiniment
pour remplir ses grilles de programmes.
A l’inverse, les quatre programmes de court-métrages
sud-coréens présentés hors-compétition sont d’un amateurisme
totalement rafraîchissant. Non pas que les cinéastes ne connaissent
pas la technique ou que leurs films soient destinés à l’anonymat
mais plutôt qu’ils aient un rapport beaucoup plus sain à leur
outil et à son économie. Nulle volonté de se vendre, ici,
mais un vrai désir d’expérimenter le cinéma comme moyen d’expression,
au risque, parfois, de la maladresse. Confrontés pour la première
fois (ou presque) à des problèmes tels que le découpage, le
récit ou le montage, on sent, en effet, chez ces jeunes cinéastes,
une réelle envie d’y faire face. Si leurs films traitent de
sujets graves (l’éclatement de la société coréenne confrontée
à une urbanisation sauvage; notamment le problème, très présent,
de l’habitat), ou du moins sérieux, avec une lucidité empreinte
de désenchantement, ils travaillent la matière-même de leur
pratique artistique avec un plaisir apparent et une tranquille
assurance, alliant l’arrogance de la jeunesse à une maturité
de vieux loup de mer.
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