Le Super 8
donne à ce film le charme des archives familiales tournées
dans les années 70, l'image traitée à la manière des films
muets (à l'exemple de l'ouverture en iris pratiquée pendant
le muet) et le choix délibéré du son entièrement travaillé
en post-synchro renforcent ce décalage.
Le film a bien été réalisé aujourd'hui avec le travail des
viticulteurs, le tri des raisins à la main, la menace de la
mécanisation, la domination du Mont Ventoux, l'éclosion des
fleurs au printemps, les touristes dans une démarche consumériste
pendant l'été (le village passe de 20 00 habitants à 13 000
pendant cette période), le passage du Tour de France, le Mont
Ventoux impassible, une lumière qui prédit les après-midi
orageuses, mais il évoque une mémoire un peu plus ancienne,
la voix off d'ailleurs est plus explicite : derrière une prose
poétique se laissant aller au lyrisme parfois, il est bien
question de la condition des juifs pendant la guerre. Cette
vision décalée suscite une distanciation réfléchie, mesurée,
comme si la réalité du travail des champs était déjà loin
près du Mont Ventoux, comme si la crainte d'oublier un passé
pourtant si proche avait émoustillé le réalisateur, à tel
point d'en faire un film
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Je garde le meilleur pour
la fin : c'est un véritable coup de coeur que j'ai eu en
assistant à la projection du très beau, très sensible :
Dust de la très prometteuse Michale Boganim. La cinéaste
nous guide à travers un vieux quartier d'Odessa au bord
de la décadence dans une ronde nostalgique et poétique.
Ce quartier qui tombe en ruine n'est autre que le quartier
juif, haut lieu de la culture yiddish avant la guerre. Un
air yiddish qu'entonne un accordéon ou un piano désaccordé,
les ondulations régulières de l'eau (Odessa est un port
ukrainien de la Mer Noire), la caméra rase les pavés des
rues, les murs décrépis, sinuant à une vitesse uniforme,
tiens une porte s'ouvre puis se referme, on a aperçu un
visage. Des gens vivent dans ces pierres, derniers vestiges,
dernière mémoire qui se meurt. On pénètre dans un univers
aux allures fantomatiques, souligné par le parti pris dune
photo qui rappelle les tons apocalyptiques du Stalker
de Tarkovski. Témoignages émouvants aussi, à l'image de
ce vieil homme qui sort une photo du fouillis qui environne
son appartement, fruit de l'accumulation de toute une vie,
et qui explique que n'y figurant pas entièrement, il a dessiné
le reste. Indice révélateur de la place laissée à l'imaginaire
dans le film qui oscille entre fiction et réalité. Un entretien
avec la réalisatrice s'imposait :
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