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L'excès inverse se révèle
plus judicieux et est commis par tous les cinéastes asiatiques
présents à Cannes cette année. Tsaï-Ming-Liang présentait
Et là-bas quelle heure est-il ? en fin de festival.
Détail chronologique qui a joué contre lui, si l'on considère
côte à côte la fatigue accumulée des spectateurs et la langueur
contemplative de son film. Respecté, Tsaï n'a pas transcendé.
L'objet est pourtant d'une beauté cinématographique rare,
qui travaille le temps fictif comme réel. A Taiwan se rencontrent
une femme en partance pour Paris et un vendeur de montres.
Rien ne se passe entre eux, si ce n'est une transaction :
elle lui achète une montre à double horaire. Tout le film
s'organise autour de cette dualité temporelle Paris - Taiwan,
montant en parallèle les évolutions respectives des deux héros.
La première se perd dans une ville qu'elle ne connaît pas,
tandis que le second s'ingénie à décaler de sept heures toutes
les pendules qu'il rencontre pour les franciser. Ces strates
temporelles deviennent spatiales et l'espace se disloque :
Tsaï le visite de bas en haut, jusque sous-terre, et y appose
les perverses rencontres qui s'imposent (prostituées, pervers...).
Chaque plan est fixe à outrance et souffre d'une dilatation
temporelle. Dans l'image, le mouvement naît et meurt, vidant
et remplissant l'espace de personnages fugitifs. Le cinéaste
est un peintre, et ses tableaux ne sont pas même toujours
motivés par l'action. Le deuil est encore à l'honneur, mais
un deuil mystique qui pousse la mère du héros dans une folie
chronique. Le film, d'une richesse inépuisable, propose encore
une intertextualité constante avec Truffaut, par l'utilisation
d'extraits des 400 coups et l'apparition de Jean-Pierre
Léaud...
Taïwan est aussi le cadre du Millenium Mambo de Hou
Hsiao-Hsien, mettant en scène sa jeunesse dépravée et sans
attente aucune, qui ne fait qu'errer dans une nuit technoïde
de débauche et de vanité existentielle. Mais ce vide n'est
en aucun cas appliqué à l'image de Hou : les boîtes de nuit
et leurs éclairages fantasmatiques lui donnent une matière
inespérée pour jouer sur la texture de ses images. Chaque
plan est une saynète suave qui s'entrechoque avec le flot
continu de musique électronique. Le film est en outre prétexte
à une expérience narrative inhabituelle, où la voix-off dévoile
systématiquement et en détail ce qui va se passer dans le
flash-back qui suit. Exposant au lieu d'ébaucher, le procédé
aiguille l'acuité spectatorielle sur la valeur plastique de
Millenium Mambo et sabre l'énonciation. On perd cependant
l'aisance de la satisfaction substitutive et la fresque se
révèle un peu longue (2h00) au vu de l'énergie qu'elle demande.
On attendait en outre beaucoup de Shinji Aoyama dont le précédent
Eurêka était brillant.
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Desert Moon déçoit
d'autant plus : semant des pistes intéressantes sur le Japon
actuel, entre prévalue malsaine du travail sur la famille
dans la vie masculine et enfance délaissée, le film se perd
en bavardages trop insistants et en métaphores psychanalytiques
rebattues (nécessité de tuer le père, réellement...). Un scénario
indigent et étiré (2h11) laisse place à de belles idées de
mise en scène, trop peu nombreuses pour sauver l'anesthésie
d'un film qui se résume à cette réplique sclérosée: « attention!
le livreur de poules va arriver... ». On en tremble encore,
comme de cette maison isolée dont Aoyama voudrait, sans y
arriver, faire un lieu de l'étrange. Desert Moon côtoie,
au rayon des ratages, le très décevant Métier des armes
d'Ermanno Olmi. Le projet historico-didactique du cinéaste
italien honore son récent frère français, le désormais légendaire
Vercingétorix de J. Dorfmann. Ne soyons pas si dur
: le film d'Olmi écrase sans discussion son ridicule homologue.
Mais il en présente les mêmes défauts, à commencer par une
volonté de scruter avec attention les détails de l'Histoire,
les stratégies opaques, les gestes quotidiens des soldats,
le métier des armes... Dans un climat crépusculaire engendré
par une photographie sous-éclairée qui n'est pas sans élégance,
le film bifurque en son milieu éducatif pour récupérer une
trajectoire tragique, le destin brisé d'un homme d'envergure.
Jean de Médicis donne sa vie à la guerre précédemment décrite
avec une précision harassante. Obscures images, opaques stratégies,
inadéquate tragédie, Olmi vous souhaite bonne nuit...
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