A l'opposé, Shinya Tsukamoto et son esthétique
« trauma », de Tetsuo jusquà Gémini, renvoit
aux pires cauchemars qui soient et nous projette dans un
monde qui doit beaucoup au manga. Point de jonction entre
film de genre, et cinéma masochiste, Shinya Tsukamoto et
ces héros Post Punk illustre la décadence d'une jeunesse
japonaise délurée qui, à défaut d'acquérir un quelconque
pouvoir par la violence, rue dans les brancards, contestant
haut et fort les conditions dans lesquelles ils vivent.
Volontiers ostentatoire, Bullet Ballet, à la faveur
d’un noir et blanc très travaillé, transparaît de la filmographie
de Tsukamoto. Fusion de l'homme au revolver ( Shinya Tsukamoto
y incarne le rôle principal) Bullet Ballet surpasse
l'épuisant et harassant Tokyo Fist, film coup de
poing, prétexte à la mise en scène d'une vaste galerie de
visages tuméfiés. Avec Gémini, film de commande bien
malheureux, le tenancier de cette succursale de petite boutique
des horreurs, atteste de l'épuisement de son esthétique
anarchique.
Shinya Tsukamoto se doit de renouveler une esthétique passée
et d'élargir son champ d'action s'il ne veut pas définitivement
décevoir.
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Autrement plus masochiste et correspondant
à l'émergence d'un cinéma coréen attaché à la métaphysique
des corps le fascinant Fantasmes du coréen Jang sun
Woo, odyssée à la prépondérante charge érotique, propice aux
ébats les plus animés entre une jeune lycéenne de 18 ans et
un sculpteur. Cinéma de la nudité, Fantasmes équivaut
à un essai philosophique sur la douleur et relate avec audace
les affres de la passion physique entre images numériques
et 35 mm. L'île de Kim Ki-Duk, met en branle une mécanique
implacable, qui se voit sabordée par une allégorie des plus
hasardeuses, alors que le film se résume en fait à un court
passage de 1993 de l'écrivain Mehdi Belhaj Kacem aux éditions
Tristram: « Tout cela revenant à dire : tu n'es pas autre,
tout cela je ne le fais pas pour m'unir à toi mais pour te
dissoudre en moi ; alors j'y plonge tout ce que je peux de
tentacules exsangues inextricables et goulues ( ici des
hameçons). Je vais te faire croire que je t'appartiens,
alors que tu te dissiperas dans mon organisme sans t'en apercevoir.
»
Enfin, dans un registre de ratage similaire, Bangkok Dangerous
des Thaïlandais Oxidie et Danny Pang, ploye sous le poids
d'un maniérisme parasite (les incessants décadrages sont
fatigants), et souffre dun scénario vétuste et extrêmement
stéréotypé. Simulacre du Fallen Angels de Wong Kar
Wai, Bangkok se traîne et ce ne sera pas Les larmes du
tigre noir de Wisit Sasanatieng, navet assumé pataugeant
dans des décors en carton-pâte, qui relèvera le niveau. Biaisé
par une ostensible réalisation rappelant les plus sombres
moments de cinéma auxquels il ne vaut mieux même pas penser.
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Alors si l'on devait ne retenir qu'un cinéaste
à la fin de ce festival, cela serait sans conteste Tsai
Ming Liang. Issu de L'INSAS en Belgique, celui qui travailla
un temps au théâtre à Taiwan, fit mouche dès son premier
long métrage, Les rebelles du dieu néon (1992) qui
pour un coup d'essai fut un coup de maître. Tsai Ming Liang
contient en germe toute la genèse du cinéma asiatique et
invente une dialectique de l'humain comme réceptacle des
tensions extérieures. Réduit à la vie d'insecte où seules
les fonctions vitales du « boire, manger, dormir » demeurent
en activité, ces personnages composent un tableau vivant
du mal-être. Les incessants vomissements, tics, errances
diverses, agrémentés à cette scénographie des corps, cristallisent
l'humain comme corpus organique victime d'innombrables bouleversements
internes.