En ce sens, l'édition 2001 n'a pas dérogé. Et, l'équilibre de
la programmation y fut pour beaucoup. Autour d'oeuvres et de
chefs d'oeuvres incontournables et dont la réputation n'est
plus à faire, on a pu voir et découvrir aussi parfois des films
bons et moins bons, mais étonnants toujours. Echappant aux écueils
d'une programmation auteuriste forcenée,
Ecrans Japon
était l'occasion, en sept jours, de s'ouvrir au cinéma japonais.
A côté des Mizoguchi, Kurosawa, Ozu et Naruse, étaient présentés
des films de Shinoda, Oshima, Kobayashi et Imamura, et jusqu'à
la nouvelle génération des K.Kurosawa, Mochizuki et Kitano.
A noter aussi l'excellente initiative d'une programmation entièrement
consacrée au cinéma d'animation qui, bien que les conditions
de diffusion fussent précaires, a fait salle comble à chaque
séance, et dont le point d'orgue fut la projection du tragiquement
beau
Tombeau des Lucioles d'Isao Takahata, en présence
de l'auteur.
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L'autre grande surprise
fut la programmation de films primitifs issus du catalogue
des Frères Lumière. Véritable catalogue d'un Japon folklorique
digne de Pierre Loti, ces films contribuèrent, à n'en pas
douter, à façonner l'imposture de l'exotisme des japonaiseries
de l'époque, japonisme oblige, et ce à travers trois images
se formant, se suivant et s'enchaînant les unes aux autres
: le Japon féodal, le Japon pittoresque, le Japon moderne.
Images qui devaient persister bien longtemps comme l'attestent
des films tels que Hara-Kiri (Marie-Louise Iribe, 1928),
La Bataille (Nicolas Farkas, 1933), Le Peintre de
Dragon (William Worthington, 1919), jusquà Japon, notes
de voyages (François Reichenbach, 1982) où l'accumulation
de poncifs pittoresques conduit à l'élaboration d'un patchwork
quasi poétique, pour qui choisit de ne pas en rire.
Outre ces curiosités, la programmation établie autour des
films non japonais offrait une vision assez globale de l'image
du Japon véhiculée par le cinéma occidental et des instances
de représentation de celle-ci. Le festival était aussi, d'ailleurs,
l'occasion de s'immiscer hors les frontières balisées de l'Occident,
vers des occidents de la périphérie, avec deux films portugais
(A Viagem, de C.Boustani et Les Yeux d'Asie,
de J.M.Grilo), un film québécois (Keiko, de C.Gagnon)
et un qui venait (du froid) d'Islande (Cold Fever,
de F.Fridrikson).
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Si certains ont pu déplorer
la sous-représentation de Yasujiro Ozu (un seul film, Le
Goût du Saké), j'ai, pour ma part, apprécié la présence
répétée de Shohei Imamura avec pas moins de quatre films :
le très beau et très complexe Eijanaika, l'étincelant
Kanzo Senseï, le peu convaincant Zegen, seigneur
des bordels, et le remarquable Histoire du Japon racontée
par une hôtesse de bar. Ce dernier fut, à mon goût et
avec Nuit et brouillard du Japon d'Oshima et Bruits
d'avion de Tasaka, l'un des événements majeurs de ces
Ecrans Japon. Là où Imamura signe l'un des films les
plus brillants sur les effets et les séquelles de la Seconde
Guerre via une réflexion intransigeante sur le régime des
images, Tasaka réalise en 1939 une véritable leçon sur l'art
du cinéma (cadre, mouvements de caméra, montage, poids des
images, force du son, narration, etc), et Oshima propose,
quant à lui, une histoire du cinéma américain, où le polar
côtoie la comédie musicale, le mélo en pince pour le western
et le film noir s'éclaire en procès.
Loin d'achalander une jolie vitrine (figée) de cinéastes connus
et/ou reconnus, Confrontation 37 s'est ingénié à créer du
mouvement et à bousculer le cinéma japonais jusque dans ses
soubresauts. On peut ainsi y croiser samouraïs et yakusa déglingués
et/ou patibulaires, monstres patauds et kitschissimes. Prostituées
et geishas. Bombardements et traumatismes. En conflit, en
miroir, quoi qu'il en soit en résonance, les films programmés
ont donné corps au thème mis en perspective.
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