Hélas, on note trop souvent que les sujets des films en compétition
restent conventionnels, jamais bien démarqués d’un psychologisme
naïf qu’on croyait disparu. Quelques films se risquent à traiter
de situations plus politiques, s’attelant quelques fois à
décrire une Italie vivant difficilement son complexe de grande
puissance économique dans une Europe libérale, scotomisant
sa partie orientale : ainsi souvent l’Est figure l’altérité
incomprise et douloureuse. Dans
Occidente de Corso
Salani, une jeune Roumaine ayant participé à la chute de Ceausescu,
essaie de survivre à Aviano, ville frioulane où est installée
une base de l’OTAN, traînant son désespoir entre un boulot
de serveuse dans un bar pour américains et des passes sordides.
Un prof d’anglais, fasciné par sa beauté et son mutisme, la
suit durant ses errances, incapable de l’aborder et de lui
parler. Le film tente maladroitement de figurer ce rapport
avorté entre deux Europe inégales, au travers de ces personnages
échoués dans une quotidienneté inerte. Les intentions semblent
bonnes, mais le cinéaste plombe vite son propos par un filmage
pesant où rien ne se crée, où l’absence d’événements ne fait
jamais événement. Le sujet, pourtant urgent et problématique
aujourd’hui en Europe, est gâté par une absence d’idées dans
la réalisation.
Et c’est là le problème de beaucoup de films en compétition.
L’absence de proposition de cinéma est sidérante pour des films
du niveau d’un festival. Oublions vite
La Rentrée, de
Franco Angeli, laborieuse histoire d’un boxeur finissant, traitée
à la « va-comme-j’te-pousse », avec pour seuls soucis
formels une narration ultra convenue avec voix-off et flash-back
éculés. Ce sous-
Rocky transalpin ne renouvellera sûrement
pas le genre “ film de boxe ”. Mais il y a pire. Question :
qu’y a-t-il de plus insupportable qu’un film militant traitant
d’une grande cause ? Réponse : un mauvais film militant.
C’est malheureusement le cas de
Territori d’ombra (
Territoire
d’ombre) de Paolo Modugno, film édifiant, traitant du
marché de la pédophilie au cœur de l’Europe. Ici les bras
nous en tombent devant tant de nullité : le sujet et
son traitement se situent au niveau du téléfilm du mercredi
soir avec “ sujet de société brûlant ” à la clé
et Pierre Arditi en cocker triste. Mais non, Pierre Arditi
n’était pas dans le film. À la rigueur on aurait préféré (c’est
dire l’ennui provoqué). La réalisation inepte, “ téléfilmique ”,
de ce pensum moral nous laisse songeurs quant à la sélection
de films censés être à un niveau de compétition. Que ce film
ait pu obtenir le prix du public achève de renforcer l’idée
que le public juge selon ses réflexes moraux. Il n’y a plus
de distance entre l’image et lui ; dressée à coup de
programmes télé formatés, la majorité approuve l’indigence
la plus crasse et passe à l’as l’exigence esthétique et intellectuelle,
pour peu qu’on lui offre des motifs d’indignation et de quoi
faire fondre ses cœurs avides.