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The Hours and Times  (c) D.R.

Commençons par la sélection américaine. Ce genre de festival offre l’occasion de réviser des positions trop dogmatiques sur l’hégémonie du cinéma américain. Ici, les films américains, forcément indépendants, sont comme les autres : fragiles, précaires, humains, marqués par leur identité et leur ancrage local. Le cinéma américain désigne moins un pays qu’un système industriel transnational et capitaliste correspondant assez bien au concept d’Empire » forgé par Tonio Negri. Un système qui peut écraser les films américains eux-mêmes. Cela étant, rien de grandiose dans la sélection américaine, si ce n’est les films de Christopher Munch, cinéaste talentueux jamais distribué en France, qui était présent aux Rencontres. Son premier film, The hours and times, est un petit bijou d’intelligence, de raffinement et d’humour. L’histoire s‘inspire du séjour de quatre jours passés à Barcelone en 1963 par John Lennon et Brian Epstein, le manager des Beatles. Munch imagine de toutes pièces ce qui a pu se passer entre les deux hommes. En l’occurrence un échange savoureux entre deux hommes que tout oppose : Epstein le juif, distingué, homo, tourmenté, évidemment amoureux de Lennon, et ce dernier, le bon anglais prolo hétéro, aux manières rudes et directes. Munch évite le théâtre filmé grâce à une mise en scène inventive et dynamique, tout en laissant la part belle à des dialogues très écrits et ciselés. D’emblée, avec ce premier film, Munch révèle un goût de l’intelligence et du brio, et semble marqué par une certaine culture et sensibilité européenne. Je n’ai pas vu son deuxième film, The color of a brisk and leaping day mais son troisième et dernier, The sleep time gal avec Jacqueline Bisset a confirmé la bonne impression du premier. À partir d’un matériau autobiographique, la femme atteinte d’un cancer que joue Bisset étant inspirée par la mère du réalisateur, Munch transcende cette matière brute et évite l’impudeur grâce à une structure narrative savamment élaborée et complexe, qui rappelle plus la littérature que la moulinette hollywoodienne, et un montage très fluide. En effet, l’auteur mêle les strates temporelles et les points de vue narratifs ; deux histoires finissent par converger : il y a d’une part, Frances, femme d’une cinquantaine d’années atteinte d’un cancer, autour de qui gravitent d’autres personnages, son fils, un amour de jeunesse ; d’autre part, il y a Rebecca, jeune avocate orpheline à la recherche de ses origines. Grâce à la qualité de la mise en scène et une certaine délicatesse, le film atteint une réelle force d’émotion, sans forcer le ton.

L’autre film américain que j’ai vu, The American Saint, est une œuvrette insignifiante et sans surprise. L’histoire d’un jeune serveur new-yorkais en quête de gloire qui traverse les Etats-Unis en voiture avec un vieux chauffeur de taxi pour passer une audition à Los Angeles pour le rôle de Jack Kerouak dans le prochain film de Milos Forman. L’intérêt principal était de retrouver l’acteur à gueule mémorable, Vincent Schiavelli, invité permanent des Rencontres et dont on pouvait croiser dans les couloirs la silhouette dégingandée. Sinon, tourné en DV, The Americain Saint n’est qu’un road movie de plus, vu et revu, qui reprend paresseusement tous les codes du genre (on pense notamment à L’épouvantail), qui plus est doté d’une fin bien mièvre, se voulant un hommage à l’esprit de rébellion de Kerouac.