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Dans la sélection française, qui réunissait
quelques films de prestige ou des auteurs connus (Cantet,
Breillat, Garrel), un mot sur Le stade de Wimbledon
de Mathieu Amalric, adapté d’un roman éponyme de Daniel Del
Giudice. L’argument de départ est assez excitant voire fascinant
: une jeune femme part à Trieste sur les traces d’un homme
fou de littérature qui n’a rien écrit et tente de comprendre
les raisons de ce silence. À partir d’un schéma classique
de quête, Amalric construit un récit quelque peu déstabilisant
et déroutant, en s’appuyant sur un montage très travaillé
qui introduit du jeu, du décalage entre les scènes ou les
plans comme pour perturber la continuité du récit et la clarté
de l’enquête. Le film semble ainsi gouverné par une logique
déceptive qui fait qu’un plan n’amène jamais celui qu’on attend
ou n’est jamais là où on l’a prévu. La problématique des rapports
Nord-Sud et de l’immigration était assez présente dans la
sélection française. J’ai pu voir L’Afrance, premier
long métrage d’Alain Gomis. L’attachante évocation d’un étudiant
africain (sénégalais) divisé entre son travail et sa formation
intellectuelle en France et son désir de retourner au pays
pour participer à son développement. Le titre indique bien
que Gomis veut montrer un processus d’hybridation entre la
France et l’Afrique affectant l’émigré. La force et l’originalité
de ce film, c’est d’évoquer ce sujet à travers un angle intérieur
plutôt que de raconter une fiction sociale édifiante; bref,
le réalisateur s’intéresse aux conséquences psychiques de
cette hybridation, de cette double appartenance. Ainsi il
y a de nombreuses scènes de rêves. Le héros navigue entre
mauvaise conscience et mégalomanie (il s’identifie à Lumumba).
À l’instar de la négritude, l’Afrance correspond à
un état intérieur. Si le film n’est pas exempt de certaines
maladresses ou lourdeurs, il n’en demeure pas moins une tentative
très intéressante d’évoquer de l’intérieur non pas tant la
condition de l’immigré que l’état d’immigré (africain en l’occurrence).
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Pour le reste de la sélection internationale,
je n’ai pas vu grand chose d’extraordinaire, à part un film
espagnol En Construccio. Passons rapidement sur Figli
Hijos de Marco Becchis, fiction terne et sans relief sur
un sujet a priori intéressant et très romanesque : en Argentine,
une femme donne naissance à deux jumeaux, un garçon et une
fille, mais des militaires se saisissent du garçon. Vingt
ans après, la fille part à la recherche de son frère, qui
a été élevé en Italie par une famille d’extrême droite. Faute
d’une interprétation à la hauteur, les personnages nous paraissent
bien fades et on ne se sent guère concerné par leur histoire.
Du côté du Québec, on a pu voir La moitié gauche du frigo
de Philippe Falardeau. Tourné lui aussi en DV, ce film se
présente comme un faux documentaire humoristique (ou documentaire
fictif) qui dans un esprit agit prop’, essaie d’aborder les
thèmes du chômage et de la crise économique sur fond de mondialisation.
Un jeune réalisateur fait un reportage sur son colocataire,
jeune ingénieur au chômage, dans ses démarches de recherche
d’emploi et l’accompagne chez les employeurs. Mais cela m’est
apparu comme un produit bâclé et dans l’air du temps, assez
roublard et surtout pas très drôle. Quant au propos, il est
des plus incertains, le réalisateur semblant partagé entre
critique de l’ultra-libéralisme et défense de l’économie de
marché qui est quand même le pire système à l’exception de
tous les autres. Comme dit l’un des faux patrons au réalisateur
: « Vous faites un piètre Michael Moore.» Avec le Danemark,
on restait dans l’humour avec la comédie Italian for beginners
de Lone Scherfig. Difficile au cinéma danois d’échapper actuellement
à l’ombre envahissante de Lars Von Trier. Ainsi, la réalisatrice
a tourné son film en DV et le qualifie de « premier film Dogme
de la seconde génération ». Italian for beginners s’avère
une comédie joliment troussée et excellemment écrite, une
comédie éminemment sociale qui fonctionne complètement sur
le principe du groupe. Soit un ensemble de personnages tous
très différents, voire opposés, mais qui ont en commun certains
problèmes de vie ; ils apprennent peu à peu à se comprendre
et s’aimer, acceptant leurs différences respectives. Dans
ce film choral, Lone Scherfig trouve un bon équilibre en donnant
une épaisseur et une consistance à chacun de ses personnages
et réussit quelques répliques piquantes. Peut-être pourra-t-on
trouver le propos, sorte d’hymne à la tolérance, un brin consensuel.
En ces temps sinistres, c’est le type de film que le public
veut voir, où l’on voit des humains se rapprocher. Ainsi l’accueil
du public a été très chaleureux.
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