Par ailleurs, c’est un film
coréen qui a officiellement ouvert le bal de la grande
soirée d’inauguration du festival. Ce long métrage
intitulé Musa le guerrier (2001) de Kim Sung-Soo,
est la plus grosse production nationale (7 millions de dollars)
depuis l’avènement du cinéma coréen.
Une fresque spectaculaire et divertissante, sans grand intérêt
artistique, qui témoigne cependant du savoir-faire
coréen en matière de cinéma grand spectacle.
Déluge d’action, fragmentation de gros plans en mouvement,
montage syncopé… Christophe Gans aurait pu venir prendre
une grande leçon de chorégraphie. Bien que très
culturellement ancrée, cette fresque médiévale
peut s’aligner sans complexe face aux grosses machines américaines
qui n’ont pas totalement envahies leur box-office. Effectivement,
la part de marché de leur cinéma national ferait
assurément pâlir de jalousie nombre de pays occidentaux.
Enfin, l’illustre et logique
reconnaissance a été attribuée à
ce pays avec le film Faillan (2001) de Song Hae-sung
quadruplement primé : Lotus du prix du public, Lotus
du meilleur acteur, Lotus du meilleur réalisateur et
meilleur film. Un long métrage original qui, sans être
un chef-d’œuvre, illustre néanmoins la maîtrise
narrative de ce cinéma innovant, captivant et imaginatif.
Rien ne vient infirmer ce
qu’il était déjà aisé de constater
en France lors des sorties sur nos écrans de L’Ile
(2001) de Kim Ki-duk ou encore de Pepermint Candy (2002)
de Lee Chang-dong. La force du cinéma coréen
se révèle dans son goût pour l’aspect
littéraire que peut revêtir la forme cinématographique,
alliée à un réalisme poétique
féroce. Ce cinéma qui se cherche encore artistiquement
et commercialement en revisitant les genres et en subissant
l’influence de ces voisins asiatiques, finit par imposer de
réels créateurs.
LA COMPETITION
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Au programme de la compétition,
six longs métrages. Peony Pavilion (2001) de
Yonfan représentait Hong Kong. L’histoire d’une passion
non consommée entre deux femmes, Suifan, célèbre
chanteuse d’Opéra, cinquième épouse délaissée
du Seigneur Rong, et Lan, une ancienne de ses admiratrices.
Hommage rendu à la femme et à ses multiples
facettes, le cinéaste se joue de l’ambivalence de ses
deux personnages, une épouse faible, vulnérable,
bannie, malade (Suifan) et une femme forte, dominatrice, travestie,
socialement établie (Lan). Le rendu plastique de l’image
(Lotus de la meilleure image) retranscrit la sensualité
de la Femme, les nombreuses séquences mettant en avant
la nature rythment l’enchaînement des saisons et décomptent
l’inéluctable destin de Suifan.
Deathrow (2000) de
Joel Lamagan, long métrage philippin, retrace l’histoire
d’un adolescent des bidonvilles qui est accusé et condamné
pour meurtre alors qu’il est innocent. Directement intégré
au sein du couloir de la mort, un ancien criminel choisi de
devenir son protecteur. Un film " social "
qui dénonce ouvertement l’existence de la peine de
mort aux Philippines, la justice expéditive, les rouages
carcéraux (drogues, viol, corruption, violence, suicide,
condition de vie, …), mais qui n’offre aucune nouveauté
cinématographique et scénaristique. Le message
est intéressant, mais la forme et le contenu réchauffés
le ridiculisent.
A Woman’s Work (2001)
de Kentaro Otani est une comédie qui aborde la relation
des couples au Japon. Ici, les femmes sont dominatrices et
les hommes dominés. Ce film " intimiste "
japonais qui souligne une pensée ironique de la condition
féminine souffre incontestablement de longueurs trop
flagrantes.
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The rule of the game
(2001) de Ho Ping narre l’existence de Turtle, citoyen taïwanais
quelconque qui décide de tuer Will, sournois personnage,
avec l’aide de son ami Chewy. La construction narrative (Lotus
du meilleur scénario) est onctueusement menée,
Ho Ping ne cesse de jouer avec les (fausses) attentes du spectateur ;
les dialogues et les situations " tarantinesques "
nourrissent le film d’une extraordinaire touche de second
degré. L’Indonésie était représentée
par un long métrage pictural, Whispering Sand
(2001) de Nan T. Achnas qui dévoile l’histoire de Daya,
une jeune femme abandonnée par son père et perpétuellement
submergée par l’obsessionnel amour de sa mère.
Entre rêve et réalité, sensibilité
et dureté, volupté et avidité, Daya recherche
son père. Mais la beauté physique est handicap
dans les milieux précaires pour qui veut préserver
son innocence d’enfant. Un film aussi beau que cruel, un hommage
à la femme (Lotus de la meilleure actrice) et à
la nature... Enfin, le long métrage Failan (2001,
Corée) de Song Hae-sung, quatre récompenses (Lotus
du prix du public, du meilleur acteur, du meilleur film et
du meilleur réalisateur), conte l’histoire d’amour
d’un couple qui ne s’est jamais rencontré. Faillan
est une jeune chinoise qui débarque en Corée.
Pour travailler, elle doit se marier. Kang-jae, un bon à
rien, accepte et, en quelque sorte, lui vend son nom. Sans
se rencontrer, ils forment un couple. Mais Faillan décède,
Kang-jae décide d’aller inhumer le corps de sa femme.
Petit à petit, il découvre la vie de son épouse
et tombe amoureux. Un film tendre qui n’est pas sans nous
rappeler certains opus de Takeshi Kitano. A l’absurdité
de la situation répond une réelle cause sociale.
D’un point de vue cinématographique, tous les supports
visuels (cinéma, vidéo, écran de télévision)
traduisent une importance narrative. L’architecture du récit
et l’orchestration des strates temporelles dévoilent
une indéniable modernité. Un film qui, sans
grande prétention, surprend, plaît, et démontre
à quel point le cinéma asiatique s’anime d’une
incontestable modernité.
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