Dernière exemple
d’un naturalisme consensuel, le 3e Œil décrit
la cavale au Luxembourg d’un jeune évadé à
la recherche du père qui l’a abandonné, secondé
par une jeune fille arabe détentrice de pouvoirs de
divination.
Les clichés se succèdent,
avec un imperturbable sérieux; mais le film, tout entier
dans un point de vue distancié et moralisateur (est-ce
que ça tache la misère ?), n’a même
pas le courage de dire que le père est un salaud. Quelques
références aux Amants de la nuit
de Nicholas Ray (l’imperturbable croyance du jeune homme en
la loi, malgré sa situation) apporte un peu d’absurde
dans cet univers où " c’est la faute à
personne ". Quant à l’argument fantastique
du " 3e œil " (le don de divination
de la jeune femme), il n’intervient que dans les dernières
séquences, sans justification.
Ce huis clos tourné
en DV décrit le calvaire d’une jeune femme, Iza (Edyta
Olsowka) prise en otage dans une forêt par une bande
de malfrats " féroces " (c’est
le nom du chef de bande) afin de leur servir de jouet sexuel ;
après avoir été violée par le
chef, Iza tente de passer la nuit en montant les gangsters
l’un contre l’autre.
Cet argument de thriller,
Quiet Zone (du nom du camp de vacance abandonné
où se réfugient les malfrats, et quasi unique
décor du film) l’oriente vers l’horreur, avec des réminiscences
de Evil Dead de Sam Raimi, et du Massacre à
la Tronçonneuse de Hooper.
Le tournage en DV sert ici
une vraie idée esthétique : Lang élabore
une image ténébreuse et tellurique (la sensation
d’enfermement et de solitude absolue que l’on peut éprouver
dans une forêt dans la nuit, nourrit le film d’un fort
sentiment claustrophobique), dans une grande promiscuité
avec ses personnages.
Se refusant à toute
distance morale portée sur ses personnages mais donnant
à voir l’extrémisme de leurs actes (Iza doit
tuer pour survivre), Quiet Zone est un film troublant et
ambigu ; ainsi le personnage de Féroce, le violeur,
apparaît comme un être aux pulsions suicidaires,
et prisonnier de la violence de son milieu. La scène
pivot du film confronte dans un resto autoroutier, Féroce
et le mari d’Iza, un jeune homme cultivé et sensible,
dans la méconnaissance mutuelle de qui est l’autre :
paroles banales échangées, suggestion d’une
rencontre possible : Iza , absente, apparaît comme
le lien possible entre ces deux hommes, le gangster du peuple
et l’intellectuel.
Mon Frère
le Vampire de Sven Taddicken (Allemagne, 2001)
Grand vainqueur de ce palmarès
2002, Mon Frère le Vampire est un premier long
métrage sur l’adolescence, prenant comme point de départ
le désir de dépucelage d’une jeune fille de
14 ans et celui de son frère Josh, un trentenaire débile
léger, qui tient absolument à partager ce moment
unique avec la petite amie de son frère aîné.
Alors que le frère aîné tente de détourner
son frère de sa petite amie en lui apprenant la masturbation,
puis en l’emmenant voir une prostituée, sa jeune sœur,
passionnée par les théories eugénistes,
prépare son dépucelage comme un dispositif pseudo
scientifique, filmant toutes les étapes du processus
d’approche de son " cobaye ". Toutes ces
tentatives se solderont bien sûr par des échecs,
alors que la solution est d'évidence l’inceste.
Au cœur du film : la réduction
du désir à une mécanique sexuelle
; un sujet grave, voire crucial en ce qui concerne la sexualité
des handicapés, que le réalisateur a choisi
d’aborder sous l’angle de la comédie adolescente.
Selon un schéma désormais
connu, tout est inversé : le frère " normal "
est minoritaire dans une réalité dominée
par l’altérité (du fou, de l’adolescente…) ;
dès lors, les rites sexuels " socialement
acceptables " (masturbation, visite à la
prostituée) apparaissent dans toute leur laideur. A
défaut d’être original, ce renversement des valeurs
permet au film d’éviter l’écueil du scabreux
dans ses nombreuses scènes " risquées ".
Cependant la juxtaposition
de procédés narratifs hétérogènes
(voix off, images DV-35, split screen), trop souvent redondants
dans leur souci de visualiser le décalage du point
de vue de l’autre, et une imagerie du factice qui prend comme
référence la fascination pour la monomanie et
le pittoresque d’Amélie Poulain ou Délicatessen,
encombrent ce film faussement moderniste.