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COMPETITION FICTION : BUDGET OR " NO-BUDGET "

La fiction, à laquelle on réduit bien souvent le court-métrage, était un peu le parent pauvre - en termes de qualité - des films présentés à cette édition 2002. La sélection ne privilégiait pas une durée particulière (5’ pour Paris 2000, Année du Dragon à 28’ pour Maloriage) dans un festival consacré exclusivement aux supports vidéo et numérique. La présence de films étrangers, suédois, danois et polonais notamment, était en tout cas un signe encourageant de l’intérêt porté au festival par le milieu de la production de court-métrage européen. Y aurait-il une porte dérobée reliant le nord de la France au nord de l’Europe ?

  Tournage Azy Killer (c) D.R.

La catégorisation des films dans deux sections (fiction et fiction " no-budget "), fondée davantage sur l’économique que sur l’esthétique, ne se justifiait pourtant pas, et entraînait le risque d’une confusion entre " no-budget " et " no-talent ". Cependant, malgré ces ambiguïtés conceptuelles, le délicat équilibre tonal que se doit d’atteindre la programmation de courts-métrages était réussi, avec un intérêt marqué pour le fantastique sous toutes ces formes. Nombre de films montraient ainsi la volonté de saisir des instants d’intensité réceptive propices au mélange de plusieurs niveaux de réalité. Il ne s’agissait pas tant d’onirisme, que d’une attention portée aux instants de relâchement, où l’esprit vagabonde. Ces états semi-éveillés se retrouvaient dans la plupart des films sur le monde du travail, comme une alternative à la description plus classique de l’état amoureux. En filigrane, pointait donc une critique un peu résignée (la rêverie plutôt que l’action) d’une réalité jugée frustrante.

D’autre part, la sélection se caractérisait par une attention particulière aux pratiques contemporaines de l’appropriation et de l’hybridation : que ce soit dans l’inscription et ou le détournement d’un genre (6 Wenesdays de Christian Dyekjar, Maloriage, Antoine Moreau), le mélange de régimes d’images (Teflon, de Berry Nathan), ou plus simplement la parodie (Ruelle de Yan d’Annoville et Christophe Gaillard). De ce fait, les fictions plus classiques, travaillant respectueusement à l’intérieur d’un genre (Effraction, de Patrick Halpine) étaient minoritaires. Ce qui n'a pas empéché Azyl Killer, polar urbain sous influence, de décrocher le prix " No-Budget ". Au petit jeu des influences revendiquées par les cinéastes de court-métrages, se détachait la figure artistique de David Lynch, chantre de l’exploration d’une perception alternative de la réalité.

Lettres à ma voisine (c) D.R.
Le Grand Prix, décerné à Lettres à ma Voisine de Thierry Gracia, était pour le moins contestable, en récompensant un film à la chute amusante, mais sans autre intérêt que formel. Un court-métrage " classique " donc, dans une forme proche des jeux de collages de Jeunet et Caro. Cependant, le choix du jury, présidé par Rémy Julienne, avalisait la démarche des sélectionneurs de privilégier une fiction ouverte sur l’expérimentation formelle.

Les prix " No-Budget ", Azyl Killer (ou : je veux seulement filmer l’amour) des frères Igosta et Pas Trop Près de Murielle Iris (film que je n’ai personnellement pas compris), récompensaient les films les plus aboutis cinématographiquement de cette catégorie.


Six Mercredi, de Christian Dyekjar, Danemark

À deux doigts de gagner le Grand Prix (il obtint la " mention du jury "), 6 Wenesdays est un western revisité, à la nonchalance héritée de Rio Bravo. Un moniteur d’auto-école nouvellement arrivé en ville, lutte pour assurer son gagne-pain face aux manœuvres sordides de son concurrent, tout en cherchant à gagner l’amour de la " prostituée locale ". Le tout décrit en 6 jours, 6 mercredis successifs, comme autant d’instantanées d’un système à trois ordonnées (la voiture, Mona la prostituée, la menace de la réputation). Le rapport ambigu qu’entretient le film à la prostitution se satisfait cependant des trop nombreuses ellipses du personnage de Mona, et malgré l’élégance de sa mise en scène, 6 Wenesdays a des relents machistes assez détestables.