Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 

COMPETITION ANIMATION

  Lettres à ma voisine (c) D.R.
Plus encore que la " fiction " (il faudrait plutôt lui opposer " prise de vue réelle ", bien que la distinction ne soit guère satisfaisante), l’animation apparaît dans les sélections de festivals comme un domaine " sous influence ", extrêmement normatif, où les initiatives esthétiques novatrices sont rares. Dès lors, l’éclectisme de la compétition des Rencontres n’en était que plus savoureux. Composé majoritairement des films d’école (La Cambre, ENSAD, La Poudrière), ou d’institutions reconnues (National Film Board of Canada), la sélection représentait toutes les techniques. Volume, synthèse, cellulo, papiers découpés, sans qu’une soit plus favorisée qu’une autre. Le jury animation, présidé par le producteur et réalisateur nordiste Arnaud Demuynck (La Boite) privilégia quand même l’animation synthèse, en décernant trois prix sur les quatre à des films utilisant cette technique. Si la sélection " fiction " présentait un fil conducteur (le fantastique et le mélange des genres), la sélection animation se caractérisait par une stimulante hétérogénéité, avec cependant une prédilection pour les formats courts, voire très courts. Les choix des sélectionneurs semble s’être porté vers tous les degrés de l’absurde, avec une prédilection pour la  comédie " métaphysique. Au menu, un certain recul de l’attention portée à la qualité de l’animation, au profit du travail sur la création d’une " atmosphère ", ou d’un univers. Cette inversion des valeurs était d’autant plus flagrante dans la section " no-budget ". Précisons que la catégorisation entre " animation " et " Animation-No Budget " (j’y tiens !) se justifiait mieux dans ce domaine artistique, où l’on peut effectivement réaliser un film à partir de rien. Il faut ainsi parler de L’Amour en Danger, de Laurent Guillard, mélodrame fassbindérien réalisé avec des figurines de train électrique, et sans autre animation que les effets de zoom et les fondus enchaînés vidéos que dispense généreusement son réalisateur. C’est un peu long, mais d’un ridicule si imperturbable que cela en devient touchant.


Tij
, de Laurent Bierrewaerts, (Grand Prix Animation), animation filiaire

Grand Prix mérité, Tij est un film remarquable, de l’étoffe des chefs d’œuvres. Dans un monde fait de fil, un paysan accomplit son devoir de vassal en offrant à son roi une part de sa récolte. Mais un jour, la moisson est insuffisante pour permettre la subsistance du paysan. Son roi, généreusement, lui offre…une corde pour se pendre. D’abord abattu, le paysan a une intuition soudaine : ensemencer la corde. Le lendemain, surprise, une moisson l’attend. Tout semble aller pour le mieux, le paysan moissonne et le roi s’amuse avec ses cordes à pendre les indésirables. Jusqu’au jour où, en bêchant, le paysan trouve enfouie un bien curieux objet : une paire de ciseaux…. Tij, par une grande maîtrise de l’ellipse et de la stylisation, revendique son attachement à l’animation " moderniste " d’un Norman Mc Laren par exemple. S’inscrivant dans la conjonction d’une technique rarissime (un fil unique, tordu et tressé d’où s’élèvent les formes du récit) et d’un discours politique tout aussi rare, Tij, dans sa recherche économique de la limpidité, vise à l’intemporel. C’est peut-être l’unique coquetterie du film de Laurent Bierrewaerts, dont il faudra suivre attentivement la carrière future (c’est un film d’école, ENSAV La Cambre).


Grain. s
, de Vincent Meyer et Cédric Nicolas (Grand Prix " No-Budget ") synthèse

Pirated (c) D.R.

Pourquoi ce titre ? Parce que la démarche initiale du film est d’être l’application d’un programme graphique visant à la re-création du grain-ici de la pâte à modeler. Grain. s cherche donc l’effet de matière ; mais loin de n’être qu’une " bande démo ", Grain.s travaille sa démarche de " test " dans une conscience de l’essence de l’animation comme contrôle absolu de l’image, avec la douleur machinale que cela entraîne pour ces auteurs. Grain. s opère dès lors une mise en abyme de cette exigence sur le mode de la crispation et de l’effort, par la confrontation de la figure de la machine infernale, de son inhumanité absolue, au corps déformé, noué par la concentration de son personnage, toujours à la merci de l’aléatoire. Ce thème de l’absurde mécanique, du " grain de sable " dans la machine, n’a rien d’original, mais il acquiert une autre résonance par le recours au numérique, support de précision technologique s'il en est. En se refusant absolument à en appeler à la compassion, à l’affect, (le film est très " sec ", jusque dans le rendu graphique mat de la matière), Grain. s est une petite perle de cruauté ludique.