Time-Scale, de
Laurent Lichtenstein (‘ No-Budget ", Mention
du jury), synthèse
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Le numérique, encore,
mais cette fois comme ouverture vers la sublime ; la
débauche visuelle de Time-Scale, où l’hyperlisibilité
se fonde sur l’hyperlissé inquiétant de l‘image
numérique, utilisé comme vierge de toute texture
de matière, défriche sans complexe les possibilités
de représentation des évènements du 11
septembre. Un spectateur gavé de kitscheries télévisuelles
voit ainsi sur son écran apparaître l’attentat
du World Trade Center, image d’horreur absolue. Le 11 septembre
comme expérience d’un " bad trip " ?
C’est l‘expérience que permet Time-Scale, sorte
de boursouflure monstrueuse autour d’une moralité loufoque
(après l’homme…la vache !). Le recours à
la reprise électronique, d’une laideur toujours aussi
fascinante, de la 5e symphonie de Beethoven utilisée
par Kubrick dans Orange Mécanique parachève
la recherche de saturation audiovisuelle qui fonde le projet.
Dites non à la drogue, mais regardez Time-Scale.
Confection Dame,
Mikael Alex
Le problème majeur
de Confection Dame est sa musique : elle impose
une tonalité mièvre, dans la recherche irritante
d’un pathétique qui nuit beaucoup à la beauté
morbide du film. Réalisé selon la technique
du crayonné, Confection Dame décrit en
deux temps le caractère imaginaire du désir,
au travers d’un possible échange amoureux. Dans la
première partie, l’homme préfère la chimère,
jusqu’au suicide. La deuxième partie, en réalité
antérieure (le film peut se voir comme une boucle,
ressassant le fantasme), image le désir possible comme
impromptu : " il " trouve, parce
qu’il a faim, une femme en kit dans des boîtes de conserve ;
il la constitue alors avec du fil et une aiguille. En recourant
au crayonné, Mikael Alex fait surgir du va-et-vient
de la trace la salissure d’un désir autoritaire au
point de créer sa propre créature.
Nosferatu
Tango, de Zoltan Horvath
(2e Prix du Jury) synthèse
Le parcours languissant
vers l’éclosion d’un sentiment pathétique est
le fil directeur de bien des films en synthèse. A priori
ce film n’y échappe pas : un moustique en goguette
dans les forêts de Transylvanie, fait intrusion dans
un univers vampirique. Tombé amoureux du vampire, il
le suit dans sa chasse de sang, jusqu’à la mort. Mais
Nosferatu Tango se fonde sur une succession d’emboîtements
de faux-semblants, dans l'univers terminal du conte, au sens
d’un épuisement formel de ses codes les plus repérables
(le narrateur, les topos vampiriques), opérant dans
le fragmentaire et le polysémique : " once
wære une fois… " dévide le narrateur,
sur les silhouettes chatoyantes. Le " coup de foudre "
de Nosferatu Tango opère dès lors dans
l’adhésion du spectateur au point de vue du moustique.
L’extrême mobilité du cadrage - un des tics formels
de l’animation synthèse - n’opère plus dans
la plénitude d’un regard flottant, mais dans la confusion
d’une appréhension fragmentaire. Cependant, l’accumulation
des " couches " réflexives (sur
le " numérique " comme technique
vouée à l’analogie avec les techniques traditionnelles,
ici le papier découpé, sur le spectateur perdu
dans la fiction, tel le moustique amoureux) tourne quelque
peu à vide, en raison d'un excès de sentimentalisme.
Dès lors, malgré toute la conscience de son
support et l’ambition de son propos, Nosferatu Tango
se révèle assez décevant, en choisissant
d’en appeler aux sentiments plutôt qu’à l’intelligence.
Train-Train Medina,
de N’Doye Dout’s
Des deux films réalisés
par le studio Graphaoui (Dakar), dans la compétition
de cette année, Train Train Medina travaille
le cliché qui voudrait que le champ de création
africain se fonde sur la récupération et le
détournement. Image émouvante et ludique certes,
mais trop évidente, d’une Afrique ravagée, oublieuse
de sa culture, et condamnée à la repriser de
ses ruines. La technique et le discours de Train Train
Medina - le papier découpé à la main,
l’éphémère des choses humaines à
travers l’apparition d’une ville et son retour au minéral
- l’inscrivent dès lors, en référence
à cette pensée artistique citée plus
haut et dont Ousmane Sow pourrait être le porte-parole,
dans ce que je serais tenté de prendre pour une incursion
dans un au-delà du désespoir, d’une grande gravité.
Mais ce n’est après tout que de l’animation.
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