FESTIVALS INVITES
En inscrivant les sélections
d’autres festivals comme une part importante de l'identité
de leur manifestation, les organisateurs des Rencontres
offraient au public les moyens d’une réflexion critique
sur ce que peut-être un festival dédié
aux court-métrages, à l’animation, et à
la vidéo au travers des démarches adoptées
par les manifestations invitées. Il est regrettable
à ce propos, que la possibilité d’une prise
en compte d’un " retour " (par un " prix
du public ", un questionnaire par exemple) n’ait
pas été mis en place cette année, la
diversité des pistes proposées par les Rencontres
pouvant produire des difficultés à trouver "
leur " public.
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Présenté dans
les " cartes blanches " "expérimental",
le festival Backup, organisé par la section
communication de l’université Bauhaus de Weimar, inscrit
dans sa démarche le questionnement théorique
sur les " nouveaux médias " et
leur influence sur la création audiovisuelle. Backup
a l’ambition manifeste de s’imposer comme un festival incontournable
dans le domaine de " l’ultra-contemporain ".
Dès lors, la sélection présentée
à Lille donnait à voir des courts-métrages,
et beaucoup de clips, formellement extrêmement séduisants,
marqués par une prédilection pour des travaux
se positionnant dans un " au-delà du spectacle "
(en référence à l’expo organisé
en 2000 à Beaubourg) ludique et pétulant. Ainsi
Plan-C, réalisé par le collectif du même
nom, montre le travail à la chaîne comme un système
fondé sur le défilement horizontal d’une même
unité visuelle, sorte de cellule où se répètent
les mêmes gestes machinaux. Dans cet environnement de
synthèse à l’esthétique " fil-de-fer ",
où l’humain est numériquement incrusté,
Plan-C donne à voir le processus de dérèglement
qu’il introduit dans la machine, jusqu’à extinction
de l’image. Un thème classique, transfiguré
par une recherche formelle qui fait du dérèglement
humain un élément parmi d’autres, dont l’absence
n’empêche pas la poursuite du signal d’images.
Dans la carte blanche
" animation ", outre la présence
du festival du dessin animé et du film d’animation
" Anima " de Bruxelles, malheureusement
pas vu dans son intégralité, l’initiative d’offrir
une place au Co-Operative Young Filmmakers Festival
de Manchester, fenêtre ouverte aux ateliers de réalisation
d’animation prenant place dans le cadre scolaire ou extra-scolaire,
se révéla particulièrement fertile en
images surprenantes. Ces films d’enfants réalisés
en image-image avec des moyens minimaux, qui accentuent d’autant
le sentiment d’urgence que dégagent ces œuvrettes dépassant
rarement la durée d’une minute, se révèlent
être parfois d’une férocité et d’une violence
jubilatoires, d’autant plus détonantes qu’elles s’inscrivent
dans de sages contextes, féeriques, moyenâgeux
ou animaliers. Nightmare Before Christmas, récit
de la mort d’un enfant consécutivement à la
démission éducative de ses parents (aucun lien
- même graphique - avec le film produit par Tim Burton)
se distinguait par une ironie sèche, dénotant
un regard déjà amer porté sur un monde
brutal et laxiste. Face à un film comme celui-ci, on
regrettera l’absence de représentants de la Co-Op,
qui auraient pu expliquer les conditions de réalisation
de ces films, et en particulier la liberté exacte de
création laissée aux enfants.
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Devant les cartes blanches
fiction, réunissant 7 festivals et institutions, un
désir d’images inhabituelles, éveillé
par l’étrangeté filmique se dégageant
de la vision de la Co-Op et des compétitions
" no-budget ", m’amenèrent à
faire l’impasse sur les festivals les plus " classiques ".
Je ne suis donc pas en mesure d’évoquer la sélection
du festival de court-métrages de Clermont-Ferrand,
ou bien celle des Nordische Filmtage de Lubeck, deux
festivals pourtant éminemment respectables et dont
la sélection semblait riche de promesses (Foutaises
de Jean-Pierre Jeunet, 1989, paraît-il le " brouillon "
d’Amelie Poulain, Copyshop, le court-métrage
le plus primé de l’année 2001, The Diver
de PV Lehtinen, sur un clown mythique en Finlande…).
La carte Blanche du CRRAV
(Centre de Ressource Régionale en Audio-Visuel) donna
à voir des courts-métrages vidéos et
autres films produits en région Nord. Le CRRAV
se pose comme la clé de voûte de la vitalité
du secteur audiovisuel nordique. Des films de la sélection,
outre l’hilarante série des Fais- Moi Mal de
Marc-Henri Boulier, une minute chrono de n’importe quoi (Fais-Moi
Mal…En Voiture, les amateurs de tuning apprécieront),
Nuit Sombre de Eric Deschamps se distinguait par sa
bizarrerie. Ce film est une variation sur des motifs extraits
de plusieurs nouvelles de Guy de Maupassant, en particuliers
Lui, et la Nuit. Nuit Sombre est donc
la promenade hallucinée, nocturnale, d’un dandy déglingué,
acculé au suicide par la confrontation au doute fantastique.
Nuit Sombre travaille donc une atmosphère flottante,
dans un n&b visant au poisseux, avec un goût pour
le romantisme de la lassitude qui évoque lointainement
le climat fantomatique de La Maman et la Putain. Mais
le maniérisme naïf de la mise en scène,
accumulant les effets de focalisation interne redondants,
et le jeu appuyé des acteurs, atteint une sorte de
grâce onirique qui évoque le meilleur (il y en
a, n’en déplaise à ceux qui n’ont pas vu ses
films) des films de Jean Rollin : ainsi de cette belle
scène, dans un parc, où la rencontre avec une
mystérieuse jeune femme fait basculer le personnage
dans le doute. Eustache rencontrant Rollin : ça
ne s’appelle pas La Vampire et la Putain, ça
s’appelle Nuit Sombre.
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